Débat : États Généraux de la presse écrite

Cet article a été publié le 20 mai 2009, sou le titre original : « Etats Généraux de la presse écrite : journalistes, mobilisons-nous ! »

Débat organisé le 21 octobre 2008 au Press Club à Paris. 

Alors que le président de la République a lancé les Etats Généraux de la presse écrite, le risque est grand de voir les débats se focaliser sur les seules questions économiques (seuils de concentration, fonds propres des entreprises de presse…) ou industrielles (distribution, impression…).
Nous journalistes, avons notre mot à dire sur nos conditions de travail et notre volonté de proposer une information de qualité.

Ca presse ! a organisé ce débat le 21 octobre, au Press Club, avec le soutien et la participation de l’AFJ, l’Ajef, l’Ajis, le Forum des SDJ, Fedephoto, Freelens, le JDL, Journalisme et Citoyenneté, Profession pigiste, le SNJ. Dans la salle étaient présents également l’ANI, la CFDT, le SNJ-CGT, l’APCP…

Avec :
Jean-Marie Charon, sociologue des médias et co-pilote d’un groupe sur les contenus de l’atelier « Presse et société : comment répondre aux attentes des lecteurs et citoyens ? », présidé par François Dufour.
Alain Girard, premier secrétaire général du SNJ, membre de l’atelier « Quel avenir pour les métiers du journalisme », présidé par Bruno Frappat.
Jean-Michel Dumay, président du Forum des sociétés de journalistes.
Françoise Crouigneau, présidente de l’Ajef (Association des journalistes économiques et financiers).
Lorenzo Virgili, photographe et administrateur de l’association de photographes Freelens.

Jean-Marie Charon : « La question des concentrations : une entourloupe« 

Jean-Marie Charon, sociologue des medias
Jean-Marie Charon : "Le contenu est la priorité" ©gcodina

Jean-Marie Charon précise qu’il ne se fait pas forcément beaucoup d’illusions concernant les Etats Généraux, au sens où il craint de voir se répéter ce qui s’est passé pour l’audiovisuel public.
« Le rapport préliminaire Giazzi indique trop clairement les intentions de révisions législatives et les dispositions réglementaires qui pourraient suivre. » Il a préféré participer aux Etats Généraux, pour deux raisons :

« Dans la pré-définition des thèmes des Etats Généraux, il y a la question de la concentration. La poser en ces termes est une entourloupe car il y a déjà un texte qui permet de cumuler la propriété de journaux et de chaînes de télévision. Robert Hersant a bien fait l’acquisition de La 5 ! Il n’y a donc pas de véritable obstacle à la concentration et pas de nécessité de renforcer des textes dans le sens de la banalisation des médias. »

« Il faut aller à l’encontre d’un discours selon lequel il y a, concernant la presse, de gros sujets qui renvoient uniquement à des questions économiques. Avec pour conséquence de casser des textes existants ou de modifier les règles. Ce discours ne distingue pas la presse quotidienne de la presse magazine. Alors que la deuxième se porte bien, malgré la suppression de quelques aides. »

Il explique que la question des coûts n’est pas la bonne, en tous cas pas suffisante. « Le problème, c’est : comment réinventer le quotidien ? Soit notre avenir consiste à basculer sur le Net. C’est peu réaliste. Soit l’imprimé doit se réinventer. Dans ce cas, le contenu est la priorité et ce sont les journalistes les plus concernés par cette question. Il faut leur donner des outils dans ce sens, sachant qu’ils évoluent dans un contexte très difficile, avec un effondrement des ressources publicitaires et une érosion de la diffusion. C’est encore plus grave aux Etats-Unis. L’initiative de ce soir est essentielle. Il faut qu’une expression clairement formulée émanant des journalistes remonte. Ce matin, à la première réunion de l’atelier auquel je participe, tout le monde était d’accord pour reconnaître que l’effort devait porter sur le contenu et que, pour cela, il fallait des rédactions importantes et fidélisées. »

Alain Girard : « La priorité du SNJ : que l’indépendance des équipes rédactionnelles soit reconnue »

Alain Girard, SNJ
Alain Girard : "Privilégier l'unité syndicale et associative" ©gcodina

« Dans sa toute première annonce des Etats généraux, le Président n’avait parlé que de diffusion, de journaux trop coûteux à fabriquer. A aucun moment il n’avait parlé de qualité des contenus, de leur nécessaire renouvellement. Or la désaffection à l’égard de la presse est d’abord due au niveau de qualité de l’information.

Le SNJ était très dubitatif au départ, par rapport à ces Etats généraux :

– leur organisation n’était pas claire.

– le véritable objectif, outre faire sauter le pseudo verrou de la concentration, c’est en ce qui nous concerne
1/ De s’attaquer aux droits d’auteurs,
2/ de s’attaquer au statut des journalistes, en permettant notamment l’apparition de non-professionnels dans les médias : on nous a glissé mine de rien à la fin de la première réunion du « pôle métiers du journalisme » des documents sur le statut des correspondants locaux de presse en PQR, en nous prévenant que cela ferait partie des choses à débattre.
Pour tenter d’endiguer cette vague qui arrive sur toute la profession, et qui peut remettre en cause des choses fondamentales, et pour défendre une presse de qualité, le SNJ a décidé de participer aux EG.
La priorité de notre message : donner la priorité au travail sur les contenus, pour regagner la confiance du public.
La composition des groupes de réflexion des EG est très déséquilibrée.
Une catégorie est très représentée : les éditeurs en général, et particulièrement ceux de la PQR. Ce n’est pas un hasard. La concentration qui s’opère dans les régions en ce moment est dévastatrice pour le pluralisme et pour l’emploi. Il faut y ajouter les effets de la mutualisation (les journalistes de PQR sont contraints de fournir en contenus en papiers, son, images photos et video les sites internet, voire les télés locales, avec l’intensification des rythmes de travail et la dévalorisation de la qualité de l’info que cela entraîne, ndlr).
Le travail de l’atelier « Quel avenir pour les métiers du journalisme» est divisé en trois phases :
– La formation des journalistes
– La déontologie (malgré les demandes des syndicats, les éditeurs refusent l’intégration d’une charte dans la convention collective)
– Les statuts : ce sera le plus dur. On y parlera des droits d’auteurs. Et d’un projet de statut des correspondants locaux de presse.
Même si la messe semble dite aux EG, nous voulons croire qu’il y aura quand même des choses à obtenir.
La stratégie du SNJ :
– Privilégier une unité syndicale et associative, pour montrer que la profession tout entière est ensemble pour défendre ses principes fondamentaux et son rôle dans une société démocratique.
– Demander en premier lieu que l’indépendance des équipes rédactionnelles soit reconnue dans la loi.
Jusqu’ici, la loi proposait une protection individuelle aux journalistes. Mais vu l’évolution du marché de l’emploi et la disparition des hommes de presse à la tête de nos journaux, au profit de dirigeants qui considèrent l’information comme un produit comme un autre, il est nécessaire d’instaurer un droit moral collectif. Il faut que l’ensemble des journalistes qui contribuent au contenu d’un média, qu’ils soient pigistes, en CDD ou en CDI, aient la possibilité de s’opposer collectivement à tout ordre contradictoire avec la déontologie et la conscience professionnelle ; à toute pression qui amène à confondre information et communication. Qu’ils aient le pouvoir dire non quand, par exemple, on les oblige à couvrir une arrestation policière aux Tarterêts en pleine campagne électorale ; de dire non à une hiérarchie qui impose une ligne éditoriale mauvaise pour le journal.
Dans la réponse qu’il avait adressée au SNJ, le candidat à la présidence Nicolas Sarkozy s’était dit défavorable à cette mesure.

Jean-Michel Dumay : « Pourquoi le Forum des SDJ n’est pas aux Etats Généraux »

Jean-Michel Dumay
Jean-Michel Dumay : "Nous voulons faire reconnaître la notion d'équipe rédactionnelle" ©gcodina

Le Forum regroupe une trentaine de rédactions de la presse écrite et audiovisuelle. Il est depuis peu particulièrement sollicité par des rédactions qui souhaitent créer une société de journalistes.

Le Forum des sociétés de journalistes a décidé de bouder les Etats-Généraux de la presse. « A l’origine, pourtant, nous souhaitions ardemment y participer. Mais au vu des difficultés rencontrées, pendant près de 15 jours, à participer à la réflexion commune dans chacun des groupes de travail, force est de constater que le Forum des sociétés de journalistes n’est pas désiré partout.
« Il était impensable, par exemple, pour les représentants des SDJ, de ne pas participer à la réflexion sur l’évolution des métiers du journalisme. Apparemment, Bruno Frappat ne souhaite pas notre présence, du moins en tant qu’entité représentative des rédactions. Il nous a dit qu’il ne voulait pas d’institutionnels. Il a accepté la présence des syndicats, mais pas celle des journalistes. François Dufour a accepté un membre du Forum, mais en son nom propre. »
L’année dernière, le forum avait pourtant lancé, en précurseur, l’idée d’un  » Grenelle de la presse  » estimant que les évolutions technologiques et économiques du secteur nécessitaient un tel débat.
Dans la pratique, et malgré de multiples démarches, il lui est impossible d’être reconnu comme interlocuteur valable, « digne » de siéger devant ces instances de réflexion que sont les Etats Généraux de la profession.
« Un moment donné, la corde se casse, explique J.-M. Dumay. Au-delà de la revendication juridique d’être reconnu comme interlocuteur valable pour siéger dans ces instances, l’une de nos revendications fondamentales est en effet l’indépendance des rédactions à l’égard de tout pouvoir quel qu’il soit. Economique, politique, etc. Il devenait donc embarrassant et paradoxal d’être obligé d’insister auprès de l’Elysée pour revendiquer notre place dans les Etats Généraux. Si le président de l’un des principaux groupes de travail qui traite du coeur de notre métier (en l’occurrence Bruno Frappat, ndlr), ne reconnaît pas les sociétés de rédacteurs, à quoi bon y aller pour plaider notre reconnaissance ? »
En conclusion de la réunion, J.-M. Dumay rappelle que nous devons défendre les fondamentaux du journalisme. « Il y a une anesthésie de la profession et du corps social par rapport à ces questions. Il ne faut pas avoir honte de parler du journalisme ! »
Le Forum a aujourd’hui deux revendications :
– « Notre métier a un aspect individuel et collectif. Il faut conserver la qualité d’auteur salarié. Etre auteur entraîne un droit moral, une responsabilité particulière. Nous ne sommes pas de simples employés de presse.
– « Nous voulons faire reconnaître la notion d’équipe rédactionnelle. Il faut débattre sur la question de savoir qui représente cette équipe : les sociétés de rédacteurs ou les syndicats, mais cela peut facilement faire l’objet d’un consensus. »
J.-M. Dumay penche pour une méthode « dure » : dénoncer le simulacre des Etats Généraux, dont l’opacité des débats est flagrante. Pour preuve : « on a demandé aux participants d’être discrets sur ce qui s’y dit. »

Françoise Crouigneau : « La presse ne fournit pas un produit comme les autres »    

Françoise Crouigneau
Françoise Crouigneau : "Aujourd'hui, ne forme-t-on pas trop de journalistes ?" @gcodina

Françoise Crouigneau attire l’attention sur le développement technologique : « Il est vrai qu’il existe une sorte de Far West du Net. Mais on ne peut pas réinventer la presse écrite sans prendre en compte les nouvelles pratiques de lecture imposées par les nouvelles technologies. »
« Je rappelle que la presse est une industrie qui a besoin d’un minimum de rentabilité, mais qui ne fournit pas un produit comme les autres. Le lecteur ne s’intéresse pas à nos conditions de travail, mais il sera touché s’ils se rend compte que celles-ci ne nous permettent pas d’être crédibles. »
Elle n’est pas contre un manifeste, mais se prononce plutôt pour la recherche de slogans qui frappent (« Notre indépendance, c’est votre liberté »). Il y a des mots qui ont fait mouche à l’occasion de certains conflits, insiste-t-elle.
D’un autre coté, elle trouve les journalistes trop franco-français et s’interroge sur la possibilité d’un Erasmus de la presse qui permettrait une meilleure compréhension des cultures mais aussi des pratiques journalistiques d’autres pays et de mieux apprécier la façon dont ses pays abordent la transition des médias.
« Pour finir, je m’interroge : ne forme-t-on pas trop de journalistes ? On compte aujourd’hui 12 écoles de journalisme, dans un contexte de raréfaction du marché. »

Françoise Crouigneau indique qu’elle aussi a pris contact avec Emmanuelle Mignon, lui expliquant ce qu’était l’Ajef, mais qu’elle s’est heurtée à un silence radio. Elle insiste sur la nécessité de la pédagogie et de la formation en matière économique, ce qui se justifie plus encore aujourd’hui. De retour des 40èmes Assises de la francophonie à Montréal, elle rappelle : « Aux Etats-Unis, les grands groupes de presse n’ont plus les moyens de réaliser des émissions d’investigation sans passer par une sponsorisation. Preuve que le fait d’être un grand groupe ne suffit pas. »

Lorenzo Virgili
Lorenzo Virgili : "Il faut créer le Rassemblement des associations de journalistes" (RAJ) ©gcodina

 

Lorenzo Virgili : « Si les objectifs patronaux se réalisent ce sera encore pire demain »

Après avoir dénoncé la grande hypocrisie avec la quelle président de la République et patrons de groupes médias parlent de qualité de l’information et d’indépendance éditoriale, il note que ceux qui participent aux États généraux sont les mêmes qui dirigent ces groupes médias. S’il ne connaît pas encore les conclusions de ces États généraux, il est sûr que « dans le lot des nombreux sujets abordés, on fera passer des choses dramatiques, même si en contrepartie, on en abandonne certains. » Donc, « Il va falloir réagir très vite. Nous n’avons jamais connu dans notre histoire de liens si privilégiés entre un chef de l’Etat et les présidents des groupes médiatiques. »
« Si les objectifs patronaux se réalisent, ce sera encore pire demain. C’est pourquoi nous devons rééquilibrer le rapport de forces. »
Se basant sur son expérience acquise lors des Assises de la création salariée, il remarque que le seul « front syndical ne suffit pas, car beaucoup de journalistes ne sont pas syndiqués, mais adhèrent à des associations, lesquelles sont nombreuses. Il faut donc créer un deuxième front complémentaire, le Rassemblement des associations de journalistes (RAJ) qui permettra de toucher une autre mobilisation. Il faut enfin créer un troisième front en interpellant les citoyens. Nous pourrions lancer un manifeste qui ne soit pas corporatiste, mais défende la nécessité d’une indépendance rédactionnelle. La presse doit être le 4e pouvoir, mais si nous, les journalistes, ne le défendons pas, personne ne le fera. » Enfin, dit-il, « nous avons deux mois devant nous, sans compter le temps de rédaction et de vote des lois ».
« A chaque fois que nous nous sommes opposés au gouvernement ou aux patrons de groupes médias, nous avons fait des propositions. Le groupe qui a travaillé sur la modification du Code de la propriété industrielle (CPI) vient de déposer le dossier sur le bureau du ministre de la Culture. Cela représente trois ans de travail pour aboutir à un résultat équilibré entre les syndicats, sociétés d’auteurs et les éditeurs. C’est le résultat d’un consensus. »
Il conclut : « Nous devons défendre principalement quelques points : la déontologie, les sociétés de journalistes et les droits d’auteur. Mais, surtout, ne doutons pas que la mobilisation puisse avoir un effet. Quand les journalistes posent pas terre leurs caméras, leurs appareils photos et leur carnet de notes dans la cour de l’Élysée, cela a un effet. En revanche, nous n’aurons qu’une seule chance. »

Interventions dans la salle.

Alain Renon (Journaliste à RFI) : Je souhaitais réagir sur deux points, tout d’abord à la déclaration d’Alain Girard, personnellement c’est d’entendre que le président de la république a une réflexion sur le contenu que doivent avoir nos journaux qui m’aurait fait bondir, car cela ne le regarde pas. Cela pose des problèmes insolubles de vouloir être présent dans des structures type les Etats généraux de la presse et de s’étonner de l’absence de débat sur le contenu même de nos médias. Je pense qu’il ne faut pas y aller tout simplement. Quel que soit le support pour lequel on travaille, nous sommes tous concernés et nous devons mener une réflexion hors des rendez-vous fixés par le pouvoir, car ils correspondent à des enjeux bien spécifiques liés à la concentration des médias.

Augustin Scalbert (Rue 89) : Je pense qu’il faut absolument communiquer mais que nous nous exprimons mal. Des concepts comme le droit d’auteur sont trop abstraits, on ne peut pas mobiliser le public sur des questions comme celles là. On ne parle pas assez des enjeux démocratiques. Emmanuelle Mignon nous a envoyé des mails pour nous inciter à faire participer, sur Rue89, les lecteurs aux débats des états généraux. Mais c’est à nous de mobiliser le public.

Une pigiste de l’audiovisuel (membre de youpress) : Comment peut-on réformer le contenu des médias quand les trois quart des journalistes sont pigistes , corvéables et précaires ? Comment réformer le journalisme quand on vire des journalistes pigistes quand ils commencent à collaborer de plus en plus à une rédaction, à créer des liens comme c’est bien souvent le cas, pour éviter de les intégrer ?

Jérôme Bouvier (journaliste, créateur des Assises du journalisme et membre du sous-groupe des Etats Généraux sur la confiance) : J’avais proposé à Bruno Frappat d’être Président du jury dans le cadre des assises du journalisme et il apparaissait qu’il était opposé à des revendications comme la présence de médiateurs dans les rédactions, opposé aussi aux sociétés de rédacteurs, aux chartes d’entreprise… Son créneau, c’est la marque que représentent les journaux. La question c’est de savoir comment on se fait entendre, comment on communique sur des questions comme l’indépendance des rédactions ? Ces problématiques doivent être portées sur la place publique.

François Longérinas (directeur de l’EMI-CFD) : Je suis responsable d’une école dont les formations couvrent tous les champs des métiers de la presse. Nous avons eu une fin de non recevoir quand nous avons demandé à participer aux Etats généraux de la presse. Je pense qu’il est souhaitable que ceux qui y assistent, restent, pour poursuivre le dialogue. Est ce que le web va modifier le rapport de producteur et notre capacité à dialoguer ? Le débat porte très peu sur le fonctionnement de support bi médias ou multimédias, ensuite il faut aussi comprendre dans quel sens s’organisent les différents modes de traitement de l’information. Jusqu’où va-t-on ? Comment peut-on devenir polyvalent et garder un cœur de métier ? De plus en plus de photographes font aussi du son, du texte… Chacun doit augmenter son champ de polyvalence mais comment garder une compétence propre ? Il faut organiser un ou plusieurs forums pour mettre en place une sorte d’ Etats généraux avec les professionnels, les acteurs du traitement de l’information, mais aussi les responsables institutionnels et le public.

Patrick Kamenka (SNJ-CGT) : Nous avions proposé l’idée de vrais Etats généraux et nous n’avons obtenu que deux strapontins. Nous irons, mais nous ne nous faisons aucune illusion. C’est une machine de guerre contre les journalistes et pour la concentration de l’information . S’il n’y pas une levée de bouclier très forte des associations, des syndicats et du public, Sarkozy nous enfermera dans son petit jeu alors que l’idée vient des syndicalistes à l’origine.

Marie-Françoise Colombani (Elle) : Les jeunes journalistes sont paupérisés par l’externalisation des supports. Nous avons une vraie responsabilité dans les contrats que nous proposons, sur le Net par exemple. Il faut refuser que les jeunes y soient sous-payés, car ils seront responsables du contenu de demain. Refusons les sociétés d’externalisation et mobilisons-nous pour un contrat unique.

Une journaliste précaire : Je me suis battue pour faire ce métier. Ce qui me gêne le plus c’est le rapport entre les journalistes eux-mêmes. J’ai été très étonnée de ce qu’on s’est permis à mon égard, on me dit d’envoyer des sujets qui ne sont jamais regardés, on ne me répond pas au téléphone …

Sabine Germain : Je suis pigiste depuis 12 ans et j’ai l’impression, aujourd’hui, d’être traitée comme une prestataire de service et non plus comme une consoeur.

Un iconographe (Les Echos) : Fût un temps, il y avait encore beaucoup de permanents prêts à me défendre. Ce n’est plus le cas. Il faudrait que les personnes à poste de responsabilité soient capable de défendre les pigistes.

Dominique Pradalier (Secrétaire Nationale du SNJ) : On tente d’amoindrir la profession, demain c’est l’audiovisuel public qu’on va détruire…

Philippe Merlant (La Vie, Président de la SR) : La manipulation relève de l’évidence sur les Etats généraux organisés actuellement : exclusion de certaines personnes, buts affichés… La situation est tellement dramatique que nous devons faire des Etats généraux en portant une attention particulière aux lecteurs. Les exclure est une aberration.

Le rédacteur en chef d’Investir : La question de la paupérisation des jeunes professionnels me tracasse beaucoup et elle n’est pas sans lien avec le contenu. Les salaires sont trop faibles et je n’arrive pas à garder les jeunes journalistes. J’ai attiré l’attention de ma direction sur ces problèmes et sa réaction a été de m’inviter à quitter le journal. J’ai trente ans d’ancienneté et me licencier va représenter des indemnités considérables. Mais ils ne regardent pas à la dépense car il ne s’agit pas de dépenses courantes.

Valérie Siddahchetty (Présidente de Profession pigistes) : Nous sommes une association de 120 personnes et cela fait 7 ans que je suis pigiste. Nous sommes plus proches d’une démarche commerciale avec comme réalité qu’il faut bien manger à la fin du mois. En tant que pigiste nous sommes en première ligne.

Andreina Debei (chef de service icono à Sciences et Avenir) : Le collectif est nécessaire, or il a disparu de nos rédactions. Quand on a un poste à responsabilité, il faut se mettre en danger pour les autres. Nous avons connu des traversées du désert mais nous ne pouvons pas faire l’économie de cela. On constate une baisse de la présence syndicale dans les rédactions. Rappelons qu’à Bayard, nous avons connu un contrat qui permettait l’annualisation des pigistes réguliers. J’aimerais que les syndicats ne fassent pas que participer aux Etats Généraux, mais qu’ils soient les initiateurs d’un mouvement et qu’ils agissent vite.

Emmanuelle Anizon (Télérama) : Cela fait deux ans qu’il y a un bouillonnement dans la profession. Il me semble qu’on a déjà beaucoup avancé sur l’analyse, la réflexion…, mais il manque toujours les éditeurs, les autres partenaires. Ma question est : comment ne pas passer pour de gentils utopistes qui réfléchissent, pendant que d’autres prennent des décisions ?

Louis Guémond : Pour revenir sur l’intervention du rédacteur en chef d’Investir, je voudrais dire que les pigistes sont bien loin de refuser des contrats, même avec de bas salaires. Dans ma promotion de l’Ecole de Strasbourg, sur 45 personnes, 30 sont au chômage.

François Simon (membre de la SR du Monde et de l’Ajef) : Je pense qu’il faudrait associer nos camarades de province à ce mouvement.

Catherine Pétillon : Je suis pigiste depuis 7 ans en presse écrite et radio. Quand j’ai commencé dans la profession, j’ai été maltraitée. Mais, depuis, j’ai pu choisir mes employeur et j’ai des rédacteurs en chef qui me respectent et se battent pour le respect de mes droits. Si ce n’est pas eux qui le font, qui le fera ? Il utiliser les médias du Net pour mobiliser les lecteurs et leur faire comprendre les répercussions de la précarisation sur la qualité du contenu.

Emmanuelle Parra-Ponce : Je n’ai jamais eu à être pigiste en 7 ans de carrière, mais les syndicats ne sont pas dans les petites boîtes et il faut aussi trouver des solutions qui soient impératives et s’appliquent partout et non pas seulement miser sur un possible rapport de force avec la direction pour obtenir des choses.

Jérôme Bouvier : Je ne suis pas sûr qu’il soit bon de se positionner par rapport aux Etats Généraux. Il faut éviter de recommencer des débats qui sont déjà avancés. Nous avons six mois devant nous : essayons de nous fixer des objectifs concrets pour les porter sur la place publique. J’invite ceux qui le souhaitent à utiliser mon site (www.journalisme.com) pour faire connaître leur opinion. Réfléchissons à la manière de favoriser un mouvement populaire qui structure le droit de chacun à une information démocratique.

Dominique Pradalier : Il faut reposer la question des aides à la presse, qui sont de l’ordre de 1 à 1,4 milliards. Et prenons garde à la protection des sources.

Le rédacteur en chef d’Investir : Pourquoi les aides à la presse ne seraient-elles pas liées au respect de certaines conditions ?