Sur le site de la Online Journalism Review, Robert Hernandez passe en revue les outils que peuvent utiliser aujourd’hui les journalistes et les rédactions pour couvrir une élection, ou tout autre événement qui exige une grande réactivité. Ils permettent de rassembler une information émiettée en de multiples lieux, en utilisant les ressources qu’autorisent aujourd’hui les réseaux sociaux et les les smartphones. Bref, le rêve de Jay Rosen d’une information à 100%, devient proche le réalité.
Jay Rosen, enseignant à la New York University (NYU) a eu une « vision », comme il l’explique sur son blog Press Think: « Que se passerait-il si l’on couvrait à 100% un événement »? [The Cent Percent Solution : For Innovation in News]. Il prend comme exemple, l’élection à la mairie de Chicago, à laquelle va se présenter Rahm Emanuel, l’ancien chef de cabinet de Barack Obama
Que faire si nous essayons de couvrir tous les événements, petits et grands, impliquant tous les candidats qui ont une chance légitime d’être le prochain maire, ainsi que tous les événements dont les candidats seront peut-être absents, mais qui font de la campagne un événement vivant, dans lequel les habitants de Chicago sont présents?
Bien sûr, dans leur état de faiblesse, le Chicago Tribune et le Sun-Times [les deux quotidiens locaux] ne peuvent pas gérer cela. Mais l’écosystème d’information de Chicago compte de nombreux autres acteurs: des hebdomadaires, un important secteur public de médias, des journaux communautaires, la presse ethnique, plusieurs start-ups, de nombreux blogs locaux. Pour couvrir l’ensemble, ils devraient collaborer sous une forme qui n’a pas été encore expérimentée à Chicago. Trouver comment le faire, serait innovant.
Jay Rosen, n’ignore pas que sa proposition peut rencontrer de nombreuses réticences:
- cela est-il techniquement faisable ? En listant et en examinant les différents outils proposés par Robert Hernandez [je les ai tous testés. Ils sont tous opérationnels; j’ai un peu enrichi la liste], la réponse est sans aucun doute positive.
- quel est l’intérêt? C’est sans doute la principale objection. Le journalisme s’est bâti sur le principe qu’il n’est pas possible de tout voir et de tout savoir. Les journaux [les médias] servaient donc de filtre, en organisant l’information, en la triant et en la hiérarchisant [Jay Rosen le fait à sa manière, d’ailleurs, en mettant en avant la seule candidature de Rahm Emmanuel et en ne citant pas les autres candidats]. SI toute l’information sur un événement est disponible comment un citoyen de Chicago, pour en rester à cet exemple, risquera d’être noyé sous une information pas toujours pertinente, et comment pourra-t-il s’y retrouver? [(MÀJ) Le journaliste Bobbie Johnson est farouchement contre l’idée de Jay Rosen, à lire: Why the 100% solution feels 95% wrong]
- comment peut s’organiser cette gigantesque collecte d’information et sous quelle forme peut-elle être restituée? Faut-il un organisme extérieur centralisateur, ou bien faut-il faire confiance aux mécanismes autorégulateurs du nouvel éco-système d’informaion sur le web?
Sur tout cela, la réponse de Jay Rosen peut tenir en une formule: l’expérimentation vaut mieux que l’inaction. En effet, écrit-il:
Lorsque vous essayez d’agir sur cette vision [de l’information à 100%], vous avez toujours des problèmes. Et c’est la réflexion sur ces problèmes qui mène à l’innovation, ou du moins à de nouvelles connaissances. (…) Il n’y a aucune garantie que cela est possible. Lorsque vous essayez d’agir sur une vision de la couverture de 100% vous rencontrez immédiatement des problèmes, et ce sont ces problèmes qui sont précieux.
C’est donc, avec cette « vision » en tête que j’ai lu le post de Robert Hernandez, qui recense les nombreux outils maintenant disponibles, qui autorisent des modes participatifs de construction de l’information, qui permettent en s’appuyant sur les réseaux sociaux et les smartphones une collecte très fine —multimédias— et immédiate des événements, et qui ouvrent une nouvelle voie sur le transmédia, en établissant des « ponts » entre deux ces deux univers auparavant cloisonnés que sont le papier et le web.
Voici la liste:
1. Twitter. La base est de posséder un compte Twitter et de savoir utiliser les outils de recherche, comme Twitter Search, notamment les recherches avancées. L’emploi d’un outil de type Tweetdeck [disponible sur iPhone et androïd] est un plus, car cela permet de gérer plusieurs fils de recherche sur son mobile.
Sur le site [ou le blog], il est indispensable d’installer un widget, pour afficher son flux (ou un flux sur un sujet précis, grâce à un filtre). Il est important aussi de s’habituer à employer des hashtags, pour faire remonter ses tweets dans des flux thématiques et/ou dans des flux créés pour l’occasion.
2. Foursquare. Il s’agit d’utiliser les atouts qu’offre la géolocalisation, grâce à un outil qui s’appelle Foursquare venue [littéralement « rendez-vous »], qui est une sorte de hashtag géolocalisé. Ce venue peut aussi être créé spontanément par la communauté. Ne pas oublier une fois qu’une venue est installée, de créer des tips; il est possible de placer dans ces derniers des liens, ce qui permet de renvoyer sur votre site ou sur un ou plusieurs article.
Pour l’instant, le nombre d’utilisateurs de Foursquare est encore confidentiel en France. Mais il y a peu encore, on disait la même chose à propos de Facebook et de Twitter, alors autant se préparer.
2. UStream. Robert Hernandez présente l’un des principaux opérateurs de live streaming. Le principe est simple. Il suffit de se créer un compte, et l’on peut émettre en direct à partir d’une caméra légère, via un ordinateur (portable ou fixe) et d’une liaison WiFi (ou fixe).
Sur Media Trend, j’ai testé et utilisé un autre service, blogvideo TV, qui fonctionne selon un principe similaire. Il ne faut pas oublier des applications pour smartphone comme Qik qui permettent de réaliser de de réaliser du direct à partir d’un iPhone ou d’un androïd et de l’afficher dans une fenêtre sur un blog WordPress par exemple, ou sur site via… Livestream, qui est une service très proche d’UStream (ce dernier permet d’ailleurs de télécharger directement des vidéos prises par un iPhone).
3. Crowdmap. Derrière, Crowdmap se cache Ushahidi, un site de crowdsourcing créé à l’origine pour rendre compte en temps réel des événements qui se déroulaient dans certains pays d’Afrique (Kenya, Afrique du Sud, Congo, notamment). Il s’agit donc bien d’un système qui utilise les « appels à témoignages », lesquels peuvent être du texte, des photos, des liens sur des sources ou des vidéos. Très simple d’usage, c’est effectivement cet outil permet de générer des cartes destinées à être remises à jour en permanence, et auquel peuvent collaborer aussi les journalistes d’une rédaction.
Une application complémentaire (à condition de disposer d’un compte Flckr) est Imapflickr, qui permet de créer des cartes GoogleMaps enrichi de photos.
Crowdmap, par son aspect participatif doit être distingué d’autres applications de cartographie comme Google Maps (il faut disposer d’un GMail), UMapper ou Zeemaps, déjà d’usage courant, dont le contenu est gérée par un journaliste ou une rédaction.
4. Les codes barres. Le potentiel est ici immense, car ces codes barres permettent de faire un lien avec des articles ou des services et d’établir un pont entre le monde physique (un objet, un article de journal imprimé, etc.) et le monde virtuel. Robert Hernandez propose un service qui s’appelle stickybits. Il offre l’avantage par rapport aux autres générateurs de code barre, comme par exemple les raccourcisseurs d’URL de Goggle (goo.gl) ou Bit.ly, ou encore Kaywa, d’être embarquable sur les smartphones et d’être un réseau social. Avec stickybits, il suffit de générer un code barre et ensuit on peut y attacher à partir de son smartphone n’importe quel contenu (photo, vidéo, lien, etc.).
Un lecteur de code barre du type lynkee (disponible sur iPhone et androïd) est un bon outil complémentaire, qui est capable de lire les codes linéaires des produits de grande consommation (EAN 13) ou les codes barre des livres (ISBN).
[MÀJ] 10,000 Wards a publié un court des usages des codes QR pour les journalistes. Le lien ici
5. Storify. Cet outil permet d’aggréger les flux des différents réseaux sociaux. L’application est encore en version bêta, mais son potentiel est très important [lire : Storify facilite le « journalisme de réseaux sociaux »]. Il ne faut pas oublier non plus Cover It Live, qui est aujourd’hui d’usage courant. Par exemple, le monde.fr, l’utilise aujourd’hui systématiquement. lors de chaque manifestation, en mode multimédia et participatif.