[the] media trend

Associated Press : Comment valoriser les contenus ?

La mort de Michael Jackson a été un événement considérable et a généré un formidable trafic sur le web. Il a surtout révéler l’existence d’un nouveau système d’information qui passe par les réseaux sociaux et conduit à Wikipedia. Pour les médias « traditionnels », dont fait partie Associated Press, il y  a là un formidable défi à relever.

Les techniques de protection et de suivi des contenus mis au point par l’Associated Press, sous le label AP3P [lire, « Protect, Point, Pay »]  ont aussi pour but de créer de nouvelles sources de revenus. Les auteurs du document se montrent relativement optimiste sur ce plan:

« Nous croyons que AP3P possède un grand potentiel pour transformer la manière dont AP et ses partenaires travaillent sur le web et finalement il devrait permettre potentiellement de créer de considérables nouveaux revenus pour l’industrie de contenu prise dans son ensemble. (…) Nous pensons que AP3P offre l’opportunité de modifier les relations [en anglais il est écrit « conversation »] avec les portails et d’amener le trafic —et de nouveaux revenus— au journalisme original » [dans le sens de: « celui qui est à l’origine de l’information »].

Comment réussir ce pari?

Tout d’abord en scindant l’information en deux catégories:

– les contenus « utility » [ou « utilities »], c’est-à-dire les informations que l’on peut trouver facilement et rapidement via les dépêches « ordinaires » d’AP mais aussi grâce à d’autres sources. Bref, les informations, sur lesquelles il n’y a pas d’exclusivité.

– les contenus « uniques« .

D’un côté, il serait prévu d’élargir le plus possible la diffusion des « utilities« , et en revanche de limiter la distribution des contenus uniques, afin que « l’hypersyndication n’en abaisse pas la valeur ». Pour cela un « news guide » [littéralement « Guide de nouvelles »] sera créé sous la forme de « landing pages« , qui sont un peu l’équivalent des bandes annonces pour le web [lire ici pour une définition]. Le document de AP précise: ce guide  « servira de point focal pour permettre de découvrir des sources ‘d’autorité‘ pour les informations ».

La page Wikipedia de Michael Jackson recevra 5 millions de visiteurs uniques dans les deux jours qui suivront l’annonce de son décès

En fait, les auteurs ont analysé les nouveaux comportements des internautes sur le web et se sont particulièrement arrêtés sur ce qui s’est passé lors de la mort de Michael Jackson.

Le chanteur meurt donc le jeudi 25 juin 2009. En 30 minutes, cette information absorbe un quart du trafic total du web! Deux sites « digital natives » font partie des principaux bénéficiaires: Twitter et Wikipedia.Destinataire final, la page de l’encyclopédie en ligne consacrée à M. Jackson recevra 1,8 millions de visiteurs le jeudi, et en totalisera le vendredi 5 millions.

En analysant les requêtes « Michael Jackson » sur 4 semaines, Wikipedia, qui a drainé 6,8% du trafic, est second en terme de trafic derrière Google News qui s’est adjugé 7,1% des clics. Le premier média « traditionnel », CNN.com, est au dixième rang avec seulement 1,5% des clics, et le Los Angeles Times avec 0,79% sera le site de quotidien américain à faire partie du « top 20 ».

Un nouveau chemin d’information

Mais l’important pour les auteurs du document de AP tient au fait que les internautes ont suivi pour s’informer un chemin « Twitter-Google- Wikipedia« . Il est totalement différent de celui qui prévalait lors de la mort de la princesse Diana (en août 1997). À l’époque, les internautes avaient bookmarqué des sites d’information pour se tenir informé. Lors du 11 septembre 2001, le schéma était encore différent, puisque les internautes avaient alors d’abord utilisé les moteurs de recherche, dont Google, pour s’informer.

Donc Wikipedia. Ici, nos auteurs font une autre remarque essentielle: l’important n’est pas le construction partagée de l’information, mais la page elle-même qui comporte « plus de liens hypertextes en bleu que de caractères écrits en noir ». Pour eux :

« La clé du succès de Wikipedia tient au fait que ses pages sont conçues pour capter le trafic, donner les informations essentielles et ensuite envoyer les internautes suivre leur propre cheminement pour aller plus loin sur le sujet qui les intéresse ».

De cela, ils tirent la leçon suivante:

« La leçon est autant une étude de cas sur le plan culturel, qu’une alerte sur le plan compétitif. Avec l’aide de réseaux sociaux comme Twitter et de centres de ressources comme Wikipedia, les internautes gagnent encore plus de contrôle sur leur consommation d’informations qu’ils n’en possédaient avec Google puis, ensuite, avec Google News. »

Pour les auteurs de AP3P les réponses sont multiples et en tout cas ne saurait se réduire pour les rédactions à alimenter des fils Twitter, à optimiser ses pages pour les moteurs de recherche et à proposer des applications « push » [qui envoient notamment automatiquement des alertes] en particulier pour les mobiles.

Pour eux, très clairement le modèle, c’est Wikipedia, et c’est ici que l’on revient à la stratégie et aux technologies (microformat, etc.) développées dans le cadre de AP3P.

et cela sur 2 points :

• l’autorité. Les auteurs du document estiment que les médias « traditionnels » sont clairement compétitifs vis-à-vis de Wikipedia en terme de qualité d’information et de réactivité

• la recherche d’un effet de masse. Ils proposent de faire jouer à plein l’effet de levier que constitue en terme d’information de l’agence proprement dite, mais aussi de tous ses membres, puisque rappelons-le AP diffuse aussi des contenus de ses membres [les 1 5000 quotidiens copropriétaires]. D’ores et déjà, relèvent-ils, 1200 membres d’AP font déjà partie du « programme d’enrichissement des contenus » qu’offre AP, et 1000 d’entre eux ont demandé à participer à l’application AP Mobile [qui est une application « push »]. Bref, il s’agit de « fédérer » l’offre afin d’éviter qu’elle ne s’éparpille entre une multitude de sites, comme c’est le cas actuellement.

Lors d’un entretien téléphonique avec Zachary Seward du Nieman Journalism Lab, Srinandan Kasi, secrétaire général d’AP a décrit les conséquences de cette nouvelle manière de diffuser une information. Il prend l’exemple d’une collision entre deux avions dans le ciel de New York. Cette événement serait couvert par AP mais aussi de nombreux autres médias. Pour AP, la couverture de l’événement [en clair une ou des dépêches] serait dit Kasi, une « utility« , car AP ne peut rieen apporter d’exclusif. AP la diffuserait sur le Wire [un fil d’info multimédia online, qu’à lancé l’agence en 1996]. En revanche, tout ce qui serait « enrichissement » (timeline, inforgraphie, diaporama, voire « document exclusif, etc.) ne serait pas diffusé sur le Wire, mais réservé à un site central AP, quitte à ce qu’un lien dans la dépêche renvoie à ce site central.

Dit autrement, il s’agit d’amener les internautes à venir sur ce site central, où seront proposés les « contenus enrichis », grâce aux « utilities ». C’est dans la continuité de ce que prône l’American Press Institute, à savoir un modèle « consumer centric » [littéralement « centré sur le consommateur »].

Ce mouvement pour « concentrer » l’offre sur un « point focal » est d’autant plus important qu’il permettrait de rétablir le rapport de forces des médias traditionnels avec les agrégateurs et les moteurs de recherche afin notamment d’obtenir un mode de rétribution plus équitable [le document parle de « fair compensation »].

Last but not least, cela rejoindrait une évolution importante sur laquelle travaille les moteurs de recherche. Google appelle cela « Rich Snippet« . En fait, les résultats des recherches afficheraient les données —des microformats— « embedded » dans les pages web. Voici comment se présenterait les résultats:

Pour l’instant Google ne parle que de « page », alors qu’AP et le Media Standarts Trust travaille sur les contenus. Mais il y a de toute évidence convergence, à condition qu’un travail de standardisation soit réalisé…

Il en va de même côté médias, puisque AP en appelle à la création d’une « coalition des membres de l’industrie des médias ».

1er post : Comment faire payer ses contenus?
2e post: “
Protect, Point and Pay”
3e post:
Comment valoriser ses contenus?


– Pour aller plus loin : 3 vidéos d’une conférence tenue par le Media Standarts Trust, 10 juillet 2009 à Londres [c’est en anglais et le son n’est pas toujours de grande qualité]

1ère partie

2e partie

3e partie

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