Pour protéger ses contenus et les valoriser, AP prépare une nouvelle initiative. Baptisée AP3P, pour « Protect, Point, Pay », la technologie sur laquelle travaille Associated Presse ressemble étrangement aux DRM, les fameux logiciels anti-copie mis en place par l’industrie musicale.
Cette stratégie et la technologie qui y est associée sont définies dans un document interne qui n’était pas destiné à être diffusé, mais que le Nieman Journalism Lab a réussi à se faire communiquer et qui est mis en ligne.
Le document interne de Associated Press, AP3P
Protect, Point, Pay — An Associated Press Plan for Reclaiming News Content Online
Les auteurs du document dresse tout d’abord un constat d’échec de la stratégie suivie jusqu’à maintenant par l’Associated Press:
« La preuve est partout: les contenus originaux sont aspirés, syndiqués [ici sont visés notammentles sites agrégateurs] et monétisés, sans compensation équitable à ceux qui les produisent et les vérifient. Le département juridique de AP documente l’utilisation de contenus sur littéralement des dizaines de milliers de sites web. » [Nota : ici que on peut s’interroger sur le fait qu’AP souhaite réellement épargner les blogueurs, d’autant que le programme vise aussi les consommateurs finaux]
Ils situent ensuite cette initiative dans un contexte jugé plus encourageant: un juge qui entend appliquer de manière rigoureuse le copyright, la recommandation de l’American Press Institute (API) de faire migrer l’information online du modèle gratuit vers le modèle payant [lire ici, le document de l’API baptisé Newsmedia Economic Action Plan].
Puis les auteurs décrivent le fonctionnement du AP News Registry qui devrait voir le jour :
« C’est un moyen d’identifier, de consigner et de suivre chaque élément de contenu AP mis à la disposition de ses membres et autres clients payants. Ce qui le distingue d’autres initiatives similaires c’est qu’il est conçu dès le départ avec un cadre juridique qui fournira un titre exécutoire à AP pour accorder et de contrôler certains droits dans son contenu. »
Techniquement, l’agence va introduire un « microformat » [pour plus de renseignements, lire ce blog dédié à au « microformat », ou plus précisemment sur les spécifications techniques de ce format, baptisé hNews], qui est une application du web sémantique.
En pratique, il faut distinguer
• le « container » dans lequel est placé « l’élément de contenu » [n’oublions pas que ce système est pensé pour le multimédia et la fragmentation des contenus qui s’opère en cours de diffusion et de rediffusion]. Il abrite les droits d’information et une balise de suivi. Cette dernière envoie des rapports à la base de données d’AP à chaque fois que « l’élément de contenu » est cliqué par l’utilisateur final. « Les balises permettant d’identifier chaque élément de contenu, l’adresse IP de la visionneuse de contenu, le serveur Web de référence et le temps d’utilisation. » [Nota: c’est un autre sujet sur lequel je reviendrai: ces systèmes extrêmement intrusifs ne sont-ils pas une atteinte à la liberté individuelle du consommateur, qui plus est lorsqu’il s’agit d’information? Je me contente ici de pointer cet aspect.]
• l »enveloppe » (« wrapper« ), qui accompagne « l’élément de contenu », et qui expliquera « en termes humains et machines » ce qu’il est possible ou non de faire avec cet « élément de contenu ». [c’est ici que s’applique le « microformat »]
Et comme un dessin est toujours préférable à un long discours, voici comme AP décrit dans son document le schéma de fonctionnement du système:
Cette technologie développée par AP intéresse d’ailleurs beaucoup une organisation britannique, le Media Standarts Trust (où se retrouvent les principaux groupes de presse de l’île). D’ailleurs le 10 juillet, les deux entités —MST et AP—, lançaient un appel commun à tous les médias pour qu’ils adoptent ce type de « news microformat », précisant que ceux proposés par AP (et dont le MST) étaient « non propriétaires » et en open source. Ils sont aussi complémentaires des actuels standards IPTC [lire une documentation sur le sujet ici], lesquels sont souvent attachés aux photos. Ces microformats contiennent donc:
• le sujet de l’article (ou du contenu)
• où il a été écrit
• l’auteur
• son lieu de publication
• les principes relatifs à l’information (lorsqu’il existent)
• les droits qui lui sont attachés
Dans une première étape, cela ne couvrira que les contenus « texte » produits directement par l’agence, puis le système sera étendu, à partir de 2010, aux contenus fournis par les « membres » [les 1500 journaux] de l’agence, et pourrait également être ensuite élargi aux contenus photo et vidéo.
Ce nouveau système n’a pas que des adeptes. Epicenter, un blog spécialisé du site américain Wired, a a repris le même schéma en le démolissant joyeusement et en illustrant les failles du système.
Le système est facile à contourner explique Epicenter, puisqu’un simple « copier-coller » fait disparaître ces « tags traceurs » tout comme le fait de saisir le texte que l’on veut réutiliser.
Sur ce point, l’Associated Press semble avoir prévu une parade :
« En se basant sur le comportement actuel du Web, il est raisonnable de supposer que certains utilisateurs, intentionnellement ou par inadvertance, supprimeront la balise. Un service de suivi ‘passif‘ explorera le web à la recherche des contenus AP, pour identifier la page web où ils sont publiés, l’usage qui en est fait et le moment où est-elle découverte. (…) l’utilisation non autorisée sera poursuivie. »
S’agit-il d’une menace sur les blogueurs qui reprendraient « par inadvertance » un contenu AP ? Il semble que non si l’on suit la nouvelle démarche initiée dans le document AP3P. Ce sera l’objet du prochain post.
1er post : Comment faire payer ses contenus?
2e post: « Protect, Point and Pay »
3e post: Comment valoriser ses contenus?
– Pour aller plus loin : l’auteur du blog, Freedom to Tinker montre, de son point de vue, qu’il n’y a pas grand chose sous le soleil, dans un post au titre shakeasperien; « Much Ado about Nothing ».