En fait, explique les auteurs du rapport du Pew Research Center « le journalisme américain ne souffre pas fondamentalement d’un problème de crédibilité ou d’un problème d’audience. Il souffre d’un problème de revenus : le découplage de la publicité de l’information ».
Une crise financière mais aussi une crise de management
À ce problème structurel clairement identifié s’ajoute l’actuelle crise économique et financière et l’ensemble se double d’une crise de management : « Les doutes augmentent quant à la capacité (…) de la génération actuelle de dirigeants d’avoir la vision et la capacité de réinventer cette industrie [des médias] ». Et histoire de bien enfoncer le clou, les rédacteurs du rapport ajoutent : » La ‘réinvention’ vient de gens capables de prendre des risques, d’essayer des choses irraisonnées, de voir ce que les autres ne peuvent pas voir, d’imaginer ce qui n’existe pas encore et de le créer. Nous n’en avons pas vu beaucoup quand les temps étaient meilleurs. Les temps sont plus durs désormais. »
Mais le rapport est intéressant en ce sens qu’il essaie d’explorer six nouvelles tendances, qui émergent en ce début d’année 2009, et qui lui semblent esquisser ce que pourrait être demain le journalisme. Les voici :
1 – Les réflexions actuelles sur le financement font fausse route, alors que d’autres idées demeurent largement inexplorées.
Les impasses sont:
• le micro-paiement, sur le modèle d’iTunes pour la musique, car il est rejeté par les utilisateurs;
• le financement par des fondations, car les ressources seront insuffisantes s’il s’agit de financer une grande partie de la presse modèle général.
Les idées nouvelles —aucune prise isolément n’étant LA solution— que proposent le Pew sont :
• l’adoption du modèle financier du câble; une partie de l’abonnement mensuel perçu par les opérateurs est reversé aux producteurs de contenus [d’information];
• construire des sortes de « centres commerciaux online » à côté des sites d’informations;
• développer des produits de niche accessibles par abonnement, destinés à une audience de professionnels de qualité. Il ne s’agit pas de micro-sites, mais bien de sites offrant des ressources, actualisés en permanence, etc.
• inventer de nouvelles formules de sites auxquels collaboreraient plusieurs entreprises et étant en capacité de concurrencer les agrégateurs et en particulier Google.
2 – Les journalistes —et les institutions journalistiques— perdent progressivement leur pouvoir.
Ils sont concurrencés par les mails, les blogs, les réseaux sociaux et par le fait que de plus en plus d’individus écrivent, s’expriment… Derrière cette tendance lourde, le Pew voit une forme de renouveau dans la création d’agences comme Global Post, mais aussi la possibilité, pour les journalistes d’offrir —individuellement— leur expertise.
3 – Les médias ne doivent pas combattre ce qui fait l’essence du web, mais au contraire s’appuyer dessus.
En clair, les médias doivent moins se focaliser sur leur audience mais chercher à diffuser le contenu qu’ils produisent sur toutes les plate-formes de distribution. Problème, les médias arrivent bien tard sur ce terrain… Deuxième problème, le modèle économique n’existe pas encore…
4 – Le concept de partenariat est sans doute une voie d’avenir, en particulier sur le plan financier.
Les coupes claires dans les effectifs des rédactions obligent des journaux autrefois rivaux à collaborer pour conserver la qualité de leur production. Pour le Pew c’est l’amorce des médias du futur: ils ne se contenteront pas de publier leur propre contenu mais agrégeront des informations de sources multiples.
5 – L’information « minute par minute » des chaînes câblées et des blogs a transformé les rapports entre médias et politique.
Les blogs politiques et les informations des chaînes câblées sont extrêmement personnalisés, ce sont d’abord des médias d’opinion. Conséquence, la frontière entre une opinion personnelle et un discours public est encore un peu plus mince.
6 – Lors de la campagne électorale présidentielle de 2008, les médias ont délaissé la carte de l’investigation.
La faute aux réductions d’effectif dans les rédactions, ce qui empêchent les journalistes de consacrer autant de temps à l’enquête. Ils doivent aussi consacrer désormais un temps considérable à lire ce qui se publie sur les blogs et les sites. Enfin, les médias sont court-circuités, les candidats (et leur parti) ayant eu tendance à s’adresser directement au public, offrant moins d’espace aux journalistes.