[the] media trend

Presse: un syndicalisme nouvelle génération s'invente en Californie

Le syndicalisme a toujours joué un rôle important dans la presse. En France, l’histoire du journalisme et celle du SNJ se superposent largement, tout comme l’influence du syndicat du Livre est essentielle pour comprendre l’organisation des journaux, leur mode de fabrication et de distribution. Mais demain sera-ce encore le cas? Le jeu est ouvert. Un syndicat californien livre —avec l’aide d’universitaires— une analyse originale de la crise que traverse la presse, propose des solutions et réfléchit à son devenir.

Au soleil de la Californie, la région de Los Angeles constitue un laboratoire où s’élaborent les médias de demain, puisque c’est là que l’on trouve pèle-mêle les sièges d’Apple, Google et autres Facebook. Deux des plus importants groupes de presse américains, MediaNews Group et McClatchy [qui a acheté le groupe Knight Ridder] y sont fortement présents et contrôlent les principaux journaux de la région, et nombre de salariés de ces groupes sont syndiqués à la California Media Workers (CMW) Union.

Les médias américains connaissent de graves difficultés, qui se traduisent notamment par de nombreux licenciements [pour plus de détails, se référer au blog Recovering Journalist, tenu par Mark Pott, particulièrement à la rubrique Falling Dominos]. Cette situation a conduit la CMW à se lancer dans une réflexion approfondie sur le devenir de la presse et sur le rôle et la forme que pourrait adopter le syndicalisme dans l’environnement à venir. Elle s’est matérialisée sous la forme d’un document au titre éloquent, Next Generation Unionism and the Future of Newspapers [téléchargeable en .pdf, ici], élaboré en commun  avec les universitaires du Center for Regional Change de l’Université de Californie, Davis.

Le document est bâti en trois points: un constat; un futur possible pour la presse, à condition de respecter un certain nombre de facteurs; le rôle futur de la CMW

1. le constat

Pour les auteurs du rapport, les difficultés de la presse papier tiennent pour l’essentiel à trois raisons:

Cela explique que les journaux se soient concentrés sur l’innovation technologique « en tant que telle », et qu’il ne l’ait pas utilisée pour faire évoluer les modes d’organisation, développer des business models plus innovants, etc.

2- le futur de la presse

La presse a un avenir possible à condition d’inclure certains des éléments suivants:

3- quel syndicalisme demain?

Le modèle de syndicalisme proposé se veut radicalement nouveau. En effet, constatent les auteurs du rapport: « Des syndicats peuvent continuer à jouer un rôle important à essayer de protéger les conditions de travail et les salaires des employés, mais ce concentrer sur cette seule stratégie ne ferait que produire des bénéfices limités à un nombre sans cesse réduit de salariés. » Cela signifie que le syndicat « doit trouver les moyens d’aller au-delà du statu quo actuel et de la simple réaction à la crise, pour répondre directement aux changements que connait l’industrie de la presse et à leur impact sur ses membres. »

La California Media Worker Union propose donc le schéma d’organisation suivant:

Le plus déroutant —pour un Français— dans ce schéma tient au fait que le syndicat « veut jouer un rôle plus important comme business partner« , en particulier en facilitant les membres de la communauté qui souhaiteraient participer à l’entreprise de presse. Plus classiquement avec l’accent mis la formation, pour laquelle le syndicat veut être une ressource, on retrouve une forme de syndicalisme proche de celle en vigueur dans les pays nordiques.

En tout cas ne peut qu’être frappé par l’extrême écart entre cette mutation radicale —et pragmatique— envisagée par la CMW construite sur le changement de paradigme que connaît actuellement la presse et ce qu’écrivait le vendredi 8 juin 2010, dans Libération, le secrétaire général de la  Filpac CGT, Marc Peyrade:

« L’univers du Web, où tout organe d’information est présent (presse, radio, télé), reproduit les problèmes des médias précédents : nature de l’information, indépendance de l’information, qualité d’une offre pluraliste, conditions sociales de production, fabrication et distribution de l’information. »

En Californie, visiblement pour la California Media Workers Union, l’univers du web n’est pas celui de la « reproduction », mais celui de l’invention.

Quitter la version mobile