Un petit groupe d’éditeurs américains a décidé de lancer une campagne de réhabilitation de la presse. Une offensive médiatique qui traduit l’inquiétude grandissante dans les médias américains, où les licenciements se comptent en milliers, et où l’on envisage pour bientôt des villes sans journaux. Pourtant, les propositions de solutions alternatives et innovantes pour financer la presse se multiplient. Cela va des donations à la création d’un système de paiement à la carte…
La première publicité parue dans les quotidiens se veut simple et parlante pour un public américain: « Plus de monde a lu un journal aujourd’hui, que regardé le match hier. » Le match en question est le Super bowl, la finale de football américain qui traditionnellement draîne des audiences records. Bref, un moyen de souligner que 100 millions d’Américains lisent ou consultent un journal ou son site quotidiennement.
Le « journalisme est essentiel pour la démocratie »
Derrière cette offensive médiatique, une poignée de dirigeants de —relativement— modestes groupes de médias, dont Dona Barrett, Pdg de Community Newspaper Holding Inc. (CNHI), qui regroupe environ 140 journaux locaux, Randy Siegel, président de Parade Publications (détenu par Advance Publications, plus connu dans le grand public sous le nom de Conde Nast) et Brian P. Tierney, Pdg de The Philadelphia Inquirer, un journal qu’il avait poursuivi lorsqu’il s’occupait des Relations publiques du diocèse (catholique) de Philadelphie!
Dans une conversation avec Robert MacMillan de l’agence Reuters, B. Terney rappelait 3 points:
• jamais les journaux n’ont eu autant de lecteurs, grâce à Internet;
• la publicité « papier » se réduit tandis que la publicité online n’est pas assez chère pour compenser;
• un éditeur peut être bénéficiaire, mais insuffisamment pour rembourser ses dettes, ce qui le conduit au défaut de paiement, puis à la faillite.
Ces affirmations génèrent trois questions :
• est-ce efficace? La Newspaper Association of America (NAA) a déjà englouti quelques millions de dollars dans ce type de campagne sans résultat réellement probant?
• est-ce réellement pertinent d’additionner « papier » et site? Le lectorat « papier » et l’audience web d’un même titre ne sont pas des données du même ordre. D’autre part, la publicité fonctionne selon des mécanismes différents pour le « papier » et le web.
• n’est-ce pas déjà trop tard? Aux États-Unis, après 2008 et ses 15.000 licenciements dans la presse, 2009, s’annonce sous les pires auspices, car effectivement, la rentabilité de nombreux journaux et groupes de journaux américains est devenue insuffisante pour qu’ils remboursent leurs dettes. C’est la principale explication de la mise en faillite du groupe Tribune, qui édite entre autre le Los Angeles Times.
Erica Smith, qui recense sur son blog Paper Cuts, l’ensemble des licenciements dans la presse américaine en est déjà en ce début de février à quelque 2.300 mises à la porte. Elle en avait compté 15.600 en 2008.
La carte d’Erica Smith, le 7 février 2009
La presse se trouverait à un moment de bascule
Le sentiment commence à émerger aux États-Unis que la presse se trouve à un moment de bascule. Le sujet n’est plus réservé aux seuls blogueurs, comme Jeff Jarvis, qui en a fait un des chevaux de bataille de son buzzmachine, ou aux magazines spécialisés comme l’American Journalism Review (lire: « Y-a-t’il une vie après les journaux« ?), il émerge maintenant dans les grands médias [phénomène signalé par Bill Mitchell sur le site PoynterOnline)
Le site de la radio publique américaine (NPR) a publié une passionnante enquête (datées des 5 et 6 février 2009) en deux volets, sobrement intitulés, « Imaginer une ville sans quotidien« , et « un modèle de journalisme ‘nonprofit’ est-il envisageable? ».
Première solution : les donations
Le New York Times (qui se trouve lui-même dans une situation difficile) a publié une contribution de David Swensen, universitaire à Yale, et Michael Schmidt, un analyste financier. Ils promeuvent l’idée que les journaux, à l’instar des Universités, devraient pouvoir bénéficier de donations, seul moyen d’assurer un avenir à la presse…
Le micro-paiement un moyen de faire payer les contenus
L’auteur, Walter Isaacson, fut l’un des pionniers de la presse sur le web. Il contribua notamment à faire basculer le site du Time (en même temps que celui de Wired) en 1994 dans le « gratuit ». Un choix que visiblement il regrette aujourd’hui.
Pour sortir les journaux (et leur site) de la nasse financière dans laquelle ils sont aujourd’hui pris, ils doivent, estime-t-il, faire payer leur contenu. S’il ne croit pas au système de l’abonnement, il prône en revanche, un système de micro-paiements à « l’acte », inspiré de l’iTunes d’Apple : « Nous avons besoin aujourd’hui de quelque chose qui soit une sorte de pièce de monnaie digitale (…) un système « à un clic » avec une interface réellement simple qui permette l’achat d’impulsion d’un journal, d’un magazine, d’un article, d’un blog ou d’une vidéo pour un ‘penny‘, un ‘nickel’, un ‘dime‘, ou une somme quelconque choisie par le auteur. » [lire aussi sur Afp-MediaWatch : « Les journaux devraient s’inspirer de Twitter« ]
Chapitre non clos…