C’est pratiquement officiel: la guerre est déclarée entre Microsoft-Bing et Google, et l’information est au cœur de cette bataille de géants.
Depuis quelques semaines les annonces ne cessent de se multiplier, la dernière en date —et la plus spectaculaire— étant celle de Rupert Murdoch, qui annonçait dans une interview au Daily Beast sa volonté de « déréférencer » ses sites d’information de Google. Dit autrement, si cela entre dans les faits, on ne devrait plus trouver les contenus du Wall Street Journal, du Times, du Sun (de Myspace?), etc. sur Google.
Une telle stratégie est-elle tenable? Comment se passer de Google, alors que dans le monde 60% environ des internautes passent par ce moteur de recherche pour leurs requêtes, et beaucoup plus encore dans les pays occidentaux développés (Europe, États-Unis, Canada…) comme le montre un très intéressant tableau réalisé sur le site Zorgloob, un blog spécialisé sur Google.
La réponse tient en un mot, Bing, le moteur de recherche de Microsoft, qui a choisi un stratégie agressive pour reconquérir des parts de marché face à Google [Bing représente environ 10% du marché de la recherche aux États-Unis], et l’information en est une des clés. Pour cela, comme le signale le Financial Times [Microsoft in move to cut out Google], « de nombreux analystes et dirigeants partagent l’idée que d’importants détenteurs de contenus, dont News Corp de Rupert Murdoch, vont être rémunérés pour être désindexés du moteur de recherche dominant Google ».
Trouver une nouvelle forme de partage de revenus entre éditeur de contenu et moteur de recherche
En effet, toujours selon le Financial Times, de nombreux et importants éditeurs online ont été approchés, l’objectif pour Microsoft étant d’obtenir un effet boule de neige, pour faire en sorte que Bing devienne une référence crédible pour la recherche d’informations.
Dans cette bataille, Associated Press est sans doute l’un des alliés de Microsoft. Tom Curley, le président de l’agence, lors d’une conférence avec des journalistes au Club des correspondants étrangers de Hong Kong a été net:
« Nous nous trouvons à une période charnière, alors que Microsoft et Google ont décidé de partir en guerre, et nous, qui produisons du contenu, pouvons commencer à nous demander s’il n’existerait pas une opportunité permettant une [nouvelle] forme de partage qui permettrait d’inverser [le système actuel] ».
Bref, faire en sorte que les moteurs de recherche ne soient plus les seuls à valoriser les contenus d’information, mais que les producteurs profitent aussi de cette manne.
Après la conférence, Tom Curley, rapporte Zachary M. Seward, sur le site du NiemanJournalismLab, a poursuivi la discussion de manière plus informelle, ajoutant que pour AP, les discussions avec les portails-moteurs de recherche ne portait pas que sur la rémunération, mais aussi sur un certain nombre de « principes », dont l’un d’entre eux est sans doute de privilégier dans l’affichage des résultats la source originelle [en l’occurrence, les dépêches d’AP], sur ceux qui ne font que reprendre cette dernière.
Pour l’instant, l’issue de la bataille est incertaine. Rupert Murdoch, Tom Curley et d’autres iront-ils jusqu’au bout de leur stratégie et décideront-ils de se faire déréférencer de Google? Ou plus pragmatiquement, veulent-ils, profitant de la guerre entre les deux moteurs de recherche, essayer d’être mieux rémunérés?
À suivre, en n’oubliant pas que la bataille de l’information et de la recherche [search] se joue aussi désormais sur Twitter, Facebook, etc.
Pour aller plus loin:
• un article de Tim Arango et Ashlee Vance, du New York Times, qui explique que l’éventuel accord « Microsoft-News Corp », que » n’est pas dans l’esprit du web
• un article, de Danny Sullivan, sur le blog spécialisé Search Engine Land, qui s’avoue très sceptique sur la stratégie de NewsCorp et de Micorsoft comme l’indique le titre: « Why An Exclusive Wall Street Journal (or News Corp) Deal Wouldn’t Help Bing
• un article de Eliot Van Buskirk sur Epicenter, le blog High Tech de Wired, qui s’avoue lui aussi sceptique sur la stratégie de News Corp. Pour lui, elle pourrait même s’avérer « désastreuse ».
• une interview d’Eric Schmidt le Pdg de Google à TechCrunch, où il détailler sa vision de la recherche [search]