Les quotidiens régionaux tirent leur force d’un puissant réseau de correspondants. Il leur permet de couvrir ce que l’on appelle l’information hyper-locale. En théorie, ils devraient transposer leur savoir-faire sur le web. Nous en sommes encore très loin. Illustration, à partir de la manière dont Ouest France et Le Télégramme ont traité la spectaculaire arrivée du père Noël à Camaret-sur-Mer, en Bretagne (photo ci-contre).
Le soir du 24 décembre 2008, tous les enfants —et leurs parents— de Camaret-sur-Mer, petit port niché au bout de la presque’île de Crozon (Finistère), attendaient le père Noël. La nuit commençait à tomber, lorsqu’enfin, il apparu dans le lointain sur le bateau des sauveteurs en mer (SNMS). Il traversa tout le port dans le rougeoiment des feux de détresse. Dès qu’il mit le pied à terre, les enfants se précipitèrent pour l’embrasser et surtout participer à la grande distribution de bonbons (et d’orange!). Des centaines de personnes participaient à cette fête réussie.
Une information qui perd de sa fraîcheur sur le papier
La portée de l’événement n’a pas échappé aux deux quotidiens locaux. Ils traiteront tous les deux le sujet dans leur édition papier, sans doute de manière un peu plus complète pour Ouest France, (citations de personnes interviewées dans le texte, photo plus vivante) mais la correspondante habituelle du Télégramme étant en vacances, ce dernier était désavantagé.
En revanche, les deux journaux s’étaient donnés le mot: le sujet ne sera traité que dans l’édition du 27 décembre, soit trois jours après l’événement (la veille, avaient été publiés des événements datant de « La semaine dernière… », sans autre précision, ou de samedi…). À ce stade, l’information n’est plus de première fraîcheur…
Le web est à la remorque du papier
Mais ce qui possible sur le papier, à partir du moment où les deux journaux avancent du même pas ne l’est plus sur le web où l’on est habitué à un traitement immédiat de l’information.
Or, les sites du Télégramme et d’Ouest France pratiquent une politique similaire : ils ne mettent en ligne [je parle des informations hyper-locales] les articles et photos qu’après parution dans l’édition papier! Et il s’agit d’une simple mise en ligne des éléments déjà publiés [sur le site du Télégramme la photo est en noir & blanc!], sans ajout ou traitement spécial, comme le permet le web : diaporama, son, vidéo, etc.
Les pages hyper-locales
de l’événement « Arrivée du Père Noël »
Ci-dessus, la page hyper-locale obtenue après recherche de la commune Camaret sur ouest-france.fr et le même résultat sur letelegramme.com
Tout cela a un prix :
• 0,80 centimes pour Le Télégramme, ce qui donne accès à l’ensemble du site pour une journée, soit l’équivalent du prix de vente du journal papier;
• Pour Ouest France, la procédure est plus complexe: il faut composer un numéro, et ensuite la connexion sera facturée 1,35 euro, puis 0,34 euro par minute. Si la consultation d’articles « pendant le temps de connexion » est illimitée, il faut quand même se dépêcher si l’on ne veut pas voir sa note de téléphone s’envoler. (Ouest France « papier » est vendu 0,70 centimes)
Que conclure de cette histoire de Père Noël ?
• L’actualité n’est pas réellement ce qui prime (ou alors de manière très lâche) dans les pages hyper-locales des éditions papier des journaux quotidiens régionaux [je généralise abusivement, à l’ensemble de la PQR, mais j’attends des contre-exemples]. Ce n’est le cas, que dans les locales dont la rédaction est composée de journalistes professionnels, comme celles d’une ville de la taille de Quimper ou de Brest.
• Pour l’instant, les sites des quotidiens régionaux ne savent pas traiter l’hyper-local. Ils se contentent de mettre en ligne une information déjà publiée et avec retard.
Le « basculement vers une rédaction bi-média papier-web dès le début de l’année 2009 » qu’annonce Claude Droussent sur Mediachroniques (une nouvelle mouture du site du Télégramme sera mise en lig
ne le 15 janvier 2009), ne permettra pas de répondre à cette difficulté. En effet, il précise d’un côté que « La valeur ajoutée du Télégramme, la locale « en profondeur », conservera a priori un modèle payant… », et de l’autre que le plan de formation à venir ne concernera que les 120 journalistes. En clair, l’hyper-local est ce qui constitue la valeur ajoutée du journal, mais l’effort de formation n’est pas destiné à ceux qui produisent cette information hyper-locale.
ne le 15 janvier 2009), ne permettra pas de répondre à cette difficulté. En effet, il précise d’un côté que « La valeur ajoutée du Télégramme, la locale « en profondeur », conservera a priori un modèle payant… », et de l’autre que le plan de formation à venir ne concernera que les 120 journalistes. En clair, l’hyper-local est ce qui constitue la valeur ajoutée du journal, mais l’effort de formation n’est pas destiné à ceux qui produisent cette information hyper-locale.
Deux journaux solides et innovants
Pour l’instant, rappelons que ces deux journaux sont solides et bien ancrés sur leur territoire. Tous deux sont innovants sur le plan rédactionnel, et cela paie, puisque tous deux ont vu leur diffusion continuer a légèrement progresser, que tous deux se trouvent dans une situation économique que l’on peut qualifier de « pré-CraigList« , c’est-à-dire qu’ils peuvent encore publier de copieux (et rentables) suppléments de petites annonces, celles-ci n’ayant pas encore migré sur Internet…
Tous deux s’efforcent aussi de développer leur site web (Ouest-France, développant en parallèle le réseau Maville.com), Le Télégramme étant légèrement en avance pour ce qui concerne le traitement vidéo de l’information. Il entend, à lire Claude Droussent, maintenir cette avance: un JRI [journaliste-reporter d’images] tournera dans les 30 rédactions décentralisées du Télégramme, l’ensemble des journalistes étant tous équipés d’un Nokia N95*, un appareil censé permettre la prise de vues et de vidéos…
• Notes : En tant qu’utilisateur du N95 je trouve l’appareil photo —5 millions de pixels— franchement amateur. Pour avoir une idée de la qualité, il suffit de regarder la 1ère photo de ce post; la bouillie rougeâtre obtenue est très décevante (il est vrai que c’était la tombée de la nuit). La photo ne pourrait pas être utilisée sur un site de journal ou pour sa version papier. Par ailleurs, il faut attendre de 1 à 2 secondes, selon la luminosité, entre le déclenchement et la prise de vue effective de la photo, ce qui interdit toute scène d’action! Quant à la qualité de la vidéo et à celle du son, c’est vraiment du dépannage… En revanche, c’est un excellent téléphone, un peu lourd et encombrant peut-être…