Pour l’instant, il est trop tôt pour mesurer — voire imaginer — l’impact qu’aura l’actuelle crise bancaire, économique et financière sur la presse. Il sera certainement très fort. Déjà, la baisse de la publicité s’est amorcée, et elle touche l’ensemble des médias, télévision, radio, journaux papiers mais aussi Internet.
AFPMediaWatch, site de veille sur les médias, a rassemblé, sous le titre générique « Médias : premiers impacts des crises bancaire et boursière » , plusieurs liens au libellé expressif : « le monde de la pub est touché », « Les télés vont souffrir de la chute de la pub », « Les magazines aussi vont souffrir », La croissance ce la pub en ligne révisée en nette baisse pour 2009″, etc. Et sans parler des quotidiens papier…
Les lecteurs sont restés fidèles aux journaux
Le plus agaçant dans tout cela est que les journalistes, et plus généralement les rédactions, n’ont pas prise. Ils ne peuvent —tout comme les lecteurs d’ailleurs— que constater et subir la catastrophe. C’est du moins le point de vue que défend Paul Fahri, reporter au Washington Post, dans la dernière livraison de l’American Journalism Review (AJR).
Il l’affirme nettement, les journalistes ne sont pas la cause des problèmes que connaît actuellement la presse, ils en sont les victimes.
D’abord remarque-t-il, s’appuyant sur des statistiques américaines, les lecteurs ne se sont pas détournés des journaux. Aux États-Unis, 50 millions de personnes achètent un quotidien et près de 117 millions en lisent un. Les sites de journaux accueillent 66 millions de visiteurs uniques chaque mois… Si on les comparent aux téléspectateurs, les lecteurs sont plus cultivés, plus influents, et possèdent un pouvoir d’achat supérieur… Cerise sur le gâteau, alors que l’audience des télévisions chute (-6 à 7%), les ventes des journaux ne font que s’effriter (de 2,6 à 3,5%).
La spirale du déclin
La principale raison de la crise ne tiendrait donc pas une supposée désaffection des lecteurs (ils sont restés fidèles!) mais, pour Paul Fahri, à trois raisons : « La fuite des petites annonces, la détérioration de la publicité commerciale, et l’endettement des propriétaires de journaux ».
Les conséquences sont terribles. Les éditeurs n’étant plus capables, ou ne voulant plus investir dans leurs journaux, la spirale du déclin s’enclenche : « Chaque coupe dans l’équipe rédactionnelle rend le journal moins utile et intéressant, ce qui rend la prochaine coupe inévitable, et ainsi de suite ».
Une nouvelle approche de l’information est indispensable
Faut-il sortir la corde pour se pendre ? Non, répond dans le même numéro d’AJR, Philip Meyer, auteur d’un célèbre essai The Vanishing Newspaper : Saving Journalism in the Information Age (University of Missouri Press, 2004).
« Une des règles de base pour faire face à des technologies de substitution [Sites, blogs, etc. – Ndr] est de se concentrer sur les points qui sont les moins susceptibles de substitution », écrit-il. Et pour lui l’un des « produits [de presse] les moins vulnérables tient en son pouvoir d’influence sur une communauté » (« community influence« ).
Mais cela exige une nouvelle approche sur l’information qui ne se réduise pas à des compte-rendus de réunions, à la remise en forme des communiqués de presse et à se contenter de publier des faits bruts. Il faut au contraire « remettre les faits dans leur contexte, donner un cadre théorique et suggérer des moyens d’agir ». Et cela les journalistes savent le faire et non les bloggeurs…
Une piste fragile, mais qui mérite d’être explorée.