Sous le titre The Bigger Tent Ann Cooper livre dans la Columbia Journalism Review un passionnant essai. Sa thèse ? La question importante n’est plus de savoir « qui » est journaliste, mais « ce qu’est » le journalisme.
En clair, dit Ann Cooper, la question de la frontière entre les bloggers et les journalistes professionnels s’affaisse, du moins « pour les bloggers qui ont une crédibilité et une audience ».
Dire que l’on est journaliste suffit à obtenir une accréditation
Conséquence, aux États-Unis, les journalistes online (et donc des bloggers) ont de plus en plus souvent accès à des manifestations autrefois exclusivement réservées aux journalistes professionnels comme les Conventions démocrates et républicaines, mais ont aussi accès à la Maison Blanche, aux Nations Unies, etc.
Ann Cooper raconte l’histoire de Jim Van Dongen, porte-parole du département de la sécurité (Departement of Safety) du New Hampshire qui en est arrivé à la conclusion qu’en « pratique, quiconque disant qu’il est journaliste en est un » et peut donc bénéficier d’une accréditation.
Pour être chirurgien, suffit-il de savoir tenir un scalpel ?
Une position extrême qui conduit à l’interrogation suivante : si tout le monde peut être journaliste, qu’est-ce que le journalisme ?
Car pour Ann Cooper, être journaliste n’est pas une question de statut : « Aujourd’hui, c’est le fait de faire du journalisme qui vous fait entrer sous la tente [du journalisme], mais non le fait que vous faites cela quotidiennement ou que vous êtes payé pour cela. »
Une définition fortement contestée, par exemple, par David Hazinski, professeur de journalisme à l’Université de Géorgie. Pour lui, appeler un « citoyen » journaliste revient à dire « que quelqu’un tenant un scalpel est un chirurgien-citoyen, ou quelqu’un sachant lire un livre de droit un avocat-citoyen« .
Construire un nouveau journalisme
En conclusion, Ann Cooper propose de « construire un nouveau journalisme combinant, par exemple, le meilleur du journalisme de reportage traditionnel, avec ces équipes composées de journalistes-citoyen passionnés. (…) Cela nécessiterait une collaboration entre les anciens et les nouveaux praticiens, qui désirent réellement soutenir le journalisme et sa mission de service public. »
La question est posée aux États-Unis. Elle finira par franchir l’Atlantique. Autant commencer à y réfléchir maintenant.
• The Columbia Journalism Review, septembre-octobre 2008