Pour cette rentrée, ce blog, Media Trend, va reprendre un rythme plus alerte, en adoptant le principe d’une parution hebdomadaire, que j’ai baptisée La semaine. Il s’agit pour moi de revenir à ce qu’était à l’origine un blog à savoir la curation et le partage de liens, et leur contextualisation. Si éventuellement, je participe à tel ou tel événement j’en rendrai compte. Bien entendu, je continuerai à publier d’autres posts sur des sujets précis.
Donc, sans autre discours, que retenir de cette semaine du lundi 9 au dimanche 15 septembre 2013? Au sommaire :
- la rentrée sur l’Atelier des médias
- les Américains veulent définir le journalisme et les journalistes
- LA pétition sur Facebook
- Medium, le média qui monte
- un hommage à Jean Véronis
- Diapéro était à Toulouse
1. La rentrée sur l’Atelier des médias
Régulièrement, Ziad Maalouf, qui anime l’Atelier des médias sur RFI, consacre une émission à la « rentrée des médias ». À cette occasion, il invite des blogueurs spécialisés dans l’observation des médias. Cette année, j’ai eu donc eu le plaisir d’y participer aux côtés de:
- Alice Antheaume, – @alicanth – journaliste et aussi directrice adjointe en charge des nouveaux médias et du développement international de l’école de journalisme de Sciences Po. Elle tient le blog Work in Progress sur Slate.fr. Elle a publié au printemps, Le Journalisme numérique [Les Presses de Sciences Po], qui est un must read pour tous ceux qui s’intéressent aux mutations que connaît actuellement le journalisme.
- Erwann Gaucher – @egaucher – journaliste et directeur adjoint des sites régionaux et ultra-marins de France Télévisions. Depuis cette rentrée, il tient une chronique centrée sur les réseaux sociaux sur France Info, et continue d’alimenter son blog.
- Eric Scherer – @EricScherer – directeur de la prospective, de la stratégie numérique et des relations internationales liées aux nouveaux médias à France Télévisions. Il anime le blog Meta-Media.
Difficile de résumer une émission qui par définition voit large, mais disons qu’il a été question de l’affaire Snowden, des mutations de la télévision – connectée ou non -, avec la place croissante qu’occupe de nouveaux entrants comme Netflix [qui pour l’instant n’est pas encore disponible en France], ou la visite des studios YouTube racontée par Eric Scherer, ou encore l’importance croissante des réseaux sociaux, etc. Pour écouter l’émission, c’est ici :
2. Qu’est-ce qu’un journaliste ?
Aux États-Unis, une commission sénatoriale [Senate Judiciary Committee] par treize voix contre cinq a adopté ce jeudi le projet de loi Free Flow of Information Act of 2013 [Libre circulation de l’information], qui, s’il est voté par le Sénat, serait censé protéger les journalistes, la justice ne pouvant plus les obliger à dévoiler leurs sources. Un projet fortement soutenu par la Maison Blanche qui a beaucoup a se faire pardonner avec – entre autres – la mise sur écoutes pendant un an de 20 lignes téléphoniques d’Associated Press, ou encore la mise en accusation du chef du bureau de Washington de Fox News.
En fait, le projet de loi « bouclier » [shield law] ne satisfait personne. Tout d’abord, il est extrêmement restrictif, puisque l’identification d’une source sera toujours obligatoire « pour prévenir un acte terroriste », en cas de « menace sur la sécurité nationale », ou encore si celle-ci a dévoilé un « secret commercial ». Mais passons; des lois passoires de ce genre nous connaissons aussi en France, notamment avec la loi Dati de 2010 [bilan critique sur Slate.fr]. Elle devrait bientôt être réformée, mais à croire le texte adopté en juin 2013 par le Conseil des ministres, elle conserve encore des parts d’ombres, notamment par le fait qu’elle prévoit également que le secret pourra être levé en cas « d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » [lire : Le secret des sources fait enfin sa loi, Libération].
Mais aux États-Unis, la discussion porte sur la définition du journalisme et du journaliste. Par exemple, s’interroge Michael McGough sur le site Los Angeles Times :
Cela inclut-il les tweets de l’attaché de presse d’un candidat politique qui cogne sur l’adversaire de son patron? Les articles du blog d’une militante qui ne prétend pas à une information objective? Un article dans le magazine d’entreprise d’une société d’énergie sur les avantages de la fracturation hydraulique? Un critique de restaurant malveillant sur Yelp? Le statut Facebook posté par un élève d’une école secondaire citant des «sources confidentielles», qui accusent un enseignant d’être un alcoolique
Dans la réalité, il s’agissait surtout pour les sénateurs de trouver une définition qui exclue Wikileaks du champ du journalisme. L’organisation -et de ce fait ses membres- pouvait-elle bénéficier de la protection de ce statut? Une des membres de la Commission, la Sénatrice Dianne Fenstein en avait clairement fait un casus belli, voulant interdire le bénéfice de la loi: « à toute personne physique ou morale dont la fonction principale … est de publier des documents sources qui seront divulgués à toute personne ou entité sans autorisation. » Ce faisant elle visait tous les lanceurs d’alerte. Elle sera battue et la définition adoptée par la commission sera au final assez large: est journaliste celle ou celui qui est
- employée par (ou en contrat avec) un média depuis au moins un an au cours des vingt dernières années,
- a été employé trois mois au cours des cinq dernières années,
- quelqu’un avec une expérience substantielle de la pige au cours des cinq dernières années,
- un étudiant journaliste.
Si une personne ne rentre pas dans ces cas de figures, un juge fédéral, pourra décider au cas par cas
Malgré tout, ce projet de loi, dans un pays où la liberté d’expression est protégée par le Premier amendement à la Constition est vécu comme trop restrictif, voir avoir être contre-productive. Mathew Ingram de PaidContent est dans ce courant d’idées lorsqu’il écrit que cette loi pourrait
être un un moyen pour le gouvernement de réguler légalement la presse en incluant ceux qui sont d’accord et en excluant ceux qui sont en désaccord.
3. LA pétition sur Facebook
Difficile de passer à côté de la page Facebook Soutien au bijoutier de Nice, à la stratosphérique croissance. Elle a atteint en l’espace de trois jours [du moins au moment où ces lignes sont écrites!] 1,5 millions de « j’aime ». Difficile de savoir qui est derrière, et au fond peu importe, l’important est ailleurs. Il tient dans le seul succès de cette page. Pour le minorer certains ont essayé de démontrer que les « likes » avaient été achetés, mais l’étude de la société spécialisée KRDS montre qu’il n’en est rien. Elle lui permet d’affirmer sur son blog : « Aucune analyse des chiffres de Facebook ne peut conclure à un achat de likes pour cette Page. Au 14 septembre 2013 à 09:00, 96% des likes venaient de France ».
Le succès de la page pose à l’évidence un problème politique. Il semble difficile -à ce stade- de l’ignorer. Il montre une nouvelle fois que les réseaux sociaux sont devenus un canal puissant d’expression.
La lecture des commentaires m’a surpris. Leur teneur est moins caricatural qu’un survol rapide pourrait le laisser croire. Certes la tonalité générale peut être qualifiée de « répressive » [euphémisme], mais étrangement des opposants ont pu se faire entendre engendrant des conversations musclées -parfois très- mais souvent argumentées [je n’ai bien entendu pu lire que quelques échantillons en raison du volume des échanges]. En voici un exemple :
4. Medium, le media à suivre
Medium est une plateforme de blogs, comme WordPress ou Blogger. Medium est le nouveau projet des gars qui vous ont apporté Twitter. Medium est chaotique, produit de manière a-rythmique par une mélange d’éditeurs de premier plan, d’écrivains rémunérés, d’attachés de presse, de gens de start up, et de « hacks ». Est-ce la publication pour cette période en particulier?
L’un de ses fondateurs, Evan Williams [il est aussi un des fondateurs de Twitter] s’est efforcé de définir le projet lors d’un entretien avec Techchrunch cette semaine. On en retiendra qu’il accorde une grande importance à la qualité des auteurs et à leur écriture. Pour cela la plateforme offre un espace d’écriture dépouillé, où la technologie se veut discrète. Surtout l’algorithme de la plateforme qui suggère les articles proposé en home est basé sur la temps que les lecteurs ont passés à lire certains articles, plutôt que sur le nombre de clics.
5. Hommage à Jean Véronis
Jean Véronis nous a quitté. Comme sans doute de nombreux lecteurs de ce blog j’ai été nourri au lait des recherches et des travaux de cet universitaire qui était aussi un homme d’action. Il avait su mêler deux sciences en apparence antinomiques : la linguistique et l’informatique. Il s’était fait une spécialité de l’analyse sémantique dont on trouvera des traces sur son blog Technologies du langage.
Mais pour lui rendre hommage, le mieux est de lire celui que lui a rendu Benoît Raphael avec qui il avait créé Trendsboard, qui permet – très schématiquement – d’anticiper les sujets qui feront le buzz sur les réseaux sociaux.
6. Diapéro
Faut-il dire POM ou diaporama? Peu importe, le format qui associe photos et sons dans un montage plus ou moins sophistiqué est tendance. Depuis maintenant plus d’un an, des rendez-vous réguliers – des Diapéros – se tiennent réunissant des photographes, des journalistes mais aussi des éditeurs. Cette manifestation qui pour l’instant s’était toujours tenue à Paris, c’est pour la première fois décentralisée. C’est sur les bords de la Garonne, à Toulouse que Diapéro a planté son écran géant de 12 mètres sur 8. Pour la première fois, un prix POM/Diaporama sonore a été remis. Petite fierté, les trois lauréats sont d’anciens de mon école, l’Emi. Il s’agit de:
- Théophile Trossat pour Erwan, une jeunesse bateau.
- Elisabeth Schneider pour Insoumise à nu
- Pierre Vassal pour A l’école de Denis.
Plus de détails sur le site Diapéro