Depuis maintenant cinq ou six années, le nombre de cartes de presse délivrées par la CCIJP reste étonnement stable, autour de 37 000. Un phénomène surprenant alors que durant de nombreuses années, la profession pouvait s’enorgueillir d’une forte croissance. Comme l’indique le tableau ci-dessous, pratiquement tous les 20 ans, le nombre de journalistes doublait. Cette mécanique s’est subitement enrayée en 2001. Est-ce le signe, que le journalisme —en tant que profession— n’a pas su négocier le virage Internet ? En tout cas, on ne peut qu’être frappé par la croissance du web et la stabilité du nombre de journalistes.
1955 | 1965 | 1975 | 1985 | 1995 | 2000 | 2005 | 2009** | |
Total | 6830 | 9990 | 13635 | 21749 | 28471 | 35496 | 36503 | 37307 |
dont pigistes* | 546 | 626 | 1135 | 2629 | 4786 | 7313 | — | 6778 |
dont 1ere demande | — | — | — | — | 1624 | 2280 | 1979 | 2004 |
* Ces chiffres résultent de l’addition des pigistes journalistes titulaires & assimilés, et journalistes stagiaires.
** Chiffres au 2 janvier 2009, pour tous les autres au 31 décembre.
(sources : La presse française, Pierre Albert, La Documentation française, éd. 2004 & 2008, CCIJP)
(sources : La presse française, Pierre Albert, La Documentation française, éd. 2004 & 2008, CCIJP)
Le nombre de pigistes et de demandeurs d’emploi est stable
Cette apparente stabilité ne masque ni une amélioration ni une dégradation de la situation des journalistes. L’un des principaux indicateurs, le nombre de pigistes, reste stable, autour de 7000. Le second, le nombre de cartes délivrées comme « demandeur d’emploi » ne bouge guère plus. Il traduirait, si l’on veut être optimiste, une légère amélioration : 1 342 cartes délivrées à ce titre au 2 janvier 2009, contre 1 582 au 31 décembre 2005.
Un autre indicateur demeure lui aussi incroyablement stable, depuis l’an 2000, le nombre de 1ère demande qui tourne autour de 2 000. Ce chiffre est révélateur d’une profession, « où l’on ne fait que passer ». Il n’est pas besoin d’être un expert démographique pour comprendre qu’une profession de 37 000 membres ne peut pas absorber régulièrement 2 000 nouveaux « entrants » annuels.
Des statistiques qui ne parlent pas, faute d’outils et d’analyses
Malheureusement, les statistiques de la Commission de la Carte ne permettent par de comprendre où et quand se produit cette évaporation. Le seul travail d’analyse, effectué par les chercheurs du Centre de recherches administratives et politiques de Rennes [Devenir journalistes, La Documentation française, 2001], est désormais fortement daté, car il porte sur la période antérieure à l’an 2000. Or depuis, l’ensemble des médias sont entrés dans une période de fort bouleversement.
Mais déjà, cette étude pointait la mise en place systématique de « périodes de mise à l’épreuve », pour les nouveaux entrants, avec la généralisation de stages, de piges et de CDD. On ignore totalement —statistiquement parlant— le nombre de jeunes journalistes qui passent à travers les mailles de ce filet très serré et combien abandonnent.
Ce travail notait aussi « la difficile gestion des carrières », « car il tend à y avoir un décalage entre la demande et l’offre de postes de cadres ». En clair, tout le monde ne peut pas devenir chef de rubrique ou rédacteur en chef. Or, si l’on ne grimpe pas dans la hiérarchie, les hausses de salaire sont faibles car, est-il écrit dans Devenir journalistes : « Compte tenu des difficultés économiques rencontrées, de nombreux médias ont cherché à réduire les coûts salariaux non seulement par le recours à une plus grande précarité des statuts mais aussi par la maîtrise des salaires des personnels titulaires ». Sans doute, est-ce une autre explication du phénomène d’évaporation : sans perspective réelle de carrière, de nombreux journalistes quitte la profession à la première occasion.
Toutes ces interrogations appellent des réponses. Ce pourrait être l’un des objectifs de l’Observatoire des métiers de la presse.