Le mercredi est le jour des enfants. Et ce mercredi 27 janvier 2010, l’austère conférence annoncée sur les « technologies innovantes » s’est transformée en Noël avant l’heure. Il ne manquait que Steve Jobs et son iPad… Cela se passait aux Mobile Video Days. L’occasion de passer en revue les technologies émergentes en se demandant quels usages peuvent en faire les journalistes et les médias, en notant que celles-ci facilitent le mode participatif.
1 – Voir de l’autre côté du mur
C’est un drone, mais un drone civil, ludique. Le Parrot AR.Drone, c’est son petit nom, est une sorte d’hélicoptère-jouet propulsé par quatre hélices (moteur électrique) et piloté par un… iPhone. On penche l’iPhone en arrière, le drone décolle, monte, on penche l’iPhone de côté, il vire, etc. Le pilotage semble parfaitement intiuitif.
La vidéo de démonstration du Parrot AR.Drone
Le Pdg de Parrot, Henry Seydoux, prend un réel plaisir à présenter son jouet. C’est vrai que dans ce grand hangar [Les Mobile Video Days se passent Plaine Saint-Denis] convertit en salle de conférences les 2 drones évoluent avec aisance. C’est fascinant, mais à quoi cela peut-il servir? À des jeux bien sûr, et d’ailleurs le code est en open source pour les développeurs qui souhaitent créer des jeux en réalité augmentée, mais aussi pourquoi pas pour les journalistes, puisque voilà un outil d’exploration extrêmement pratique.
Une condition, s’ils l’utilisent, les journalistes devront être munis d’un solide code de déontologie, car ce drone passe-muraille est nativement équipée d’une caméra. S’il permet d’aller voir ce que l’on ne peut pas voir, en passant par dessus un mur, par exemple il constitue intrinséquement un risque pour la vie privée.
2 – Lire son journal en marchant
Des lunettes qui ressemblent à des lunettes de vue classiques, où plutôt à des lunettes de soleil. Pourtant ces lunettes n’ont rien de banal, ce sont des lunettes à réalité augmentée. Il faut ici imaginer, que vous êtes chez vous et que vous souhaitez regarder un film. Vous chaussez vos lunettes RA et vous voyez se matérialiser [si l’on peut dire] devant vous un écran virtuel, et cela sans que vous perdiez la vision de votre environnement. Un point très important explique Denis Cohen-Tannoudji, directeur Recherche et Développement chez Essilor, car cela évite lorsque l’on se déplace de perdre l’équilibre.
À partir de là tout est possible. En marchant dans la rue, vous pouvez affichez devant vous les informations concernant telle ou telle boutique, tel ou tel restaurant ou… lire le journal en marchant; dans les réunions lire vos mails, vos twitters, etc. et cela bien sûr en toute discrétion.
Rêve futuriste ces lunettes? Non. Elles sont en test actuellement à l’Institut de la vision, car ce projet est développé en priorité pour les mal-voyants, qui pourront ainsi « reconstituer » grâce à la réalité augmentée, une vision normale. Les malades devraient pouvoir bénéficier de ces lunettes d’ici un an et demi à peu près, pour le grand public, il faudra sans doute attendre 4 à 5 ans, le temps de trouver le moyen d’abaisser le coût de fabrication. Juste le temps de réfléchir à leur utilisation.
3 – L’infographie en réalité augmentée ?
L’entreprise s’appelle Total Immersion. Elle est spécialisée dans la réalité augmentée et d’ailleurs a travaillé pour le film Avatar de James Cameron [voir ici la pub pour Coca Cola qui montre comment fonctionne la RA].
Si l’on voit bien comment la réalité augmentée peut-être utilisée au cinéma ou en vidéo, les applications semblent plus difficiles à trouver pour les journaux papier. Or, pour une fois, un éditeur français, Nathan, montre la voie du possible. Avec son livre [réalisé avec Total Immersion], Comprendre comment ça marche!, dans la collection Dokeo, paru en octobre 2009, il s’est emparé de cette nouvelle technologie et le résultat est extrêmement ludique mais aussi didactique.
Cela ouvre tout un champ de réflexion sur la construction d’une nouvelle forme d’infographie utilisant la réalité augmentée.
4 – Microsoft et la photo en mode participatif
À l’occasion de la prestation de serment de Barack Obama, CNN avait testé grandeur nature le procédé Photosynth. Le principe est simple: il s’agit de fusionner ensemble des milliers de photos prises par des amateurs et des professionnels, pour recréer un nouvelle image très proche de la 3D dans laquelle on peut se déplacer, zoomer, etc. Comme l’explique Nicolas Petit, Directeur de la division mobilité Europe chez Microsoft « cela donne une nouvelle profondeur à la photo ».
La nouveauté ne tient pas tant en la performance logicielle (c’est le logiciel qui amalgame les images sans soucis de format et de taille) que dans l’ouverture d’un site participatif, Photosynth, dans lequel, sur le principe de Flickr, tout le monde peut héberger ses photos. C’est à partir de cette photothèque, gigantesque base de données, que seront créées ces images profondes qui sont particulièrement riches en terme d’information.
5 – Les Japonais et la vidéo mobile
Le Japon conserve une longueur d’avance en terme de mobile. Les constructeurs proposent déjà des écrans en 3D (visible sans porter de lunettes type Avatar), des écrans solides, qui ne se brisent pas au moindre impact (tout ceux qui ont déjà cassé l’écran de leur portable apprécieront) mais surtout, sont de grands consommateurs de la vidéo sur mobile. Philippe Le Fessant, de Jap’Presse InnovAsia Research, explique que dans ce pays, de 25 à 30 millions d’usagers regardent couramment des vidéos sur leur mobile et ces vidéos sont essentiellement des UGC (Users Generated Content), loin, en pourcentage, devant les clips vidéos et les short cuts (très courts métrages destinés au mobile).
6 – Ne plus dire « cross media », mais « transmedia »
Pour définir le transmedia, Michel Reilhac, en charge du cinéma à Arte France, a une image: « Il s’agit de décliner les histoires comme des puzzles: un morceau est diffusé sur un support [télévision, par exemple], un autre sur un autre support [mobile], etc. » À l’internaute de reconstituer le puzzle. Bref, la manière de raconter n’est plus seulement en deux dimensions (une histoire racontée de manière linéaire et diffusée sur un média), mais en quatre dimensions, puisque le récit est délinéarisé et diffusé sur plusieurs supports.
Cette mutation s’accompagne de l’apparition de nouvelles notions comme le « rabbit hole », allusion à Alice au Pays des Merveilles, qui offre la possibilité au spectateur de passer d’un univers narratif à un autre, et la transformation profonde de certains métiers comme l’auteur qui devient un « architecte narratif » qui contrôle un récit susceptible d’évoluer.
Michel Reilhac parle du cinéma, mais ne peut-on imaginer la transposition de ces évolutions dans le domaine de l’information? La multiplication des supports y est aussi devenu une réalité, le récit se fragmente, et il faut aussi réinventer un nouveau mode narratif —journalistique— qui tire profit de toutes les potentialités qu’offrent les nouvelles technologies.
Et que l’on ne dise que c’est irréaliste, car les internautes ne suivraient pas. La génération adolescente est déjà multiconsommatrice de médias et ce en simultané, comme l’a remarqué Romain Axel, lors de la diffusion d’un soap opera conçu pour Allways et destinée aux adolescentes, qui était diffusé simultanément à la télévision (NJR12) et sur Internet: « Les moments de diffusion à la télévision correspondaient à nos pics d’audience. Nous sommes face à une génération qui regarde plusieurs médias en même temps. » Déjà au États-Unis, les adolescent sont (multi)connectés en moyenne plus de 24 heures par jour!
- Le site des Mobile Video Days, où l’on trouvera plus de détails sur la manifestation et en particulier les lauréats des MVD Awards.