Les Assises Internationales du Journalisme devraient réunir quelques 800 personnes, « si l’on s’en tient au nombre d’inscrits », précise Jérôme Bouvier l’organisateur de la manifestation. Thème de cette 3e édition, qui se tient du 7 au 9 octobre 2009 à Strasbourg : « Quelle information pour demain? ». Il sera traité à travers 12 ateliers, une bonne dizaine de débats, des rencontres publiques, etc. Ce matin (7 octobre) donc, j’ai participé à l’atelier « Communicants-journalistes: comment mieux travailler ensemble »?
[Pour suivre ces Assises, les étudiants du CUEJ de Strasbourg tiennent un blog, ainsi que ceux du CFJ dont le blog s’appelle « réinventer le journalisme » et tout cela est abondamment twitté]
Précision: j’ai décroché de ce blog pendant un mois, en raison d’une surcharge de travail provoquée par une rentrée un peu trop bousculée, et je m’en excuse. Ces Assises, m’ont semblé le moment opportun pour reprendre le fil.
Parfois, dans un débat, l’important se produit à la fin et souvent il passe inaperçu. Ce fut le cas lors de l’atelier « Communicants-journalistes », lorsque Stéphane Billiet, président de Syntec, indiquait, que les gens des relations publiques, certes « s’intéressaient d’abord aux médias », mais ajoutait-il, « ils ne passent pas que par les journalistes, mais aussi par tous les relais d’opinion: professionnels de santé, analystes financiers, champions de telle ou telle cause, blogueurs… » Et d’ajouter: « Demain, on pourrait gérer l’opinion avec ces autres relais » .
Qui sont les relais d’opinion?
Un propos qui renvoie directement aux thèses développées dans les années 1920, par des personnalités comme Walter Lippmann. Dans l’un de ses ouvrages emblématiques, Public Opinion, ce dernier expliquait, entre autres, que les pouvoirs publics devaient s’appuyer sur des « relais d’opinion », des « élites », des « experts », pour gouverner, les « masses » n’ayant ni les capacités intellectuelles ni la formation pour participer aux décisions et plus largement au pouvoir. [à noter que journalistiquement parlant ce mouvement de pensée (que d’aucun peuvent qualifier de technocratique) avait conduit à la naissance de Time, un magazine destiné aux « élites », son fondateur Henry Luce partageant largement les idées de Lippmann.]
Aujourd’hui, donc, nous serions dans une configuration similaire à celle des années 1920, les médias (ou du moins une partie d’entre eux) étant peut-être en voie de marginalisation comme relais d’opinion majeur par les communicants
Cette donnée doit donc être conservée en mémoire par les journalistes, qui ne sont plus les seuls gate keepers de l’information, si tant est qu’ils aient eu ce monopole un jour…
Cela posé le débat fut nourri; voici les principaux points abordés:
– Une barrière indépassable. L’ensemble des journalistes présents, ont exprimé l’idée résumée avec force par Aymeric Caron, d’Europe1, qu’il y aura toujours une « barrière indépassable entre les journalistes et les communicants et qui va le rester ». En effet, argumentait-il, « le journaliste doit conserver un regard critique, il n’a pas de stratégie [comme peut l’avoir un communicant], mais doit chercher une vérité. » Et ajoute-t-il, il doit conserver le final cut.
– Mesurer la « valeur » de la communication? Bien sûr explique Stéphane Billiet, « les clients veulent de la visibilité », lorsqu’ils communiquent, et pour cela les « journalistes seront le média utilisé pour atteindre un objectif ». C’est le cas, dit-il, pour de grandes causes nationales, comme la sécurité routière ou les questions de santé. L’efficacité de la démarche de communication ne se mesure pas en nombre d’articles publiés, de citations ou de reportages, mais dans l’évolution du public: « A-t-il un comportement favorable à la démarche qui a été proposée? » Cela se mesure par des enquêtes, des sondages, etc.
– Qu’en est-il du mediatraining et du wording? Cette dernière technique, utilisée en particulier en période de crise, conduit tous les responsables d’une entreprise, par exemple, à utiliser les mêmes expressions, ce qui produit un effet de saturation de l’espace médiatique et permet ainsi de « faire passer un message »
Les communicants défendent tous l’utilisation de ces techniques, indispensables à leurs yeux. Jean-Paul Metz, chargé de la communication à la mairie de Strasbourg, explique que le mediatraining peut être nécessaire, n’ont pas seulement pour les cadres, mais aussi pour les ingénieurs ou les techniciens, bref pour tous ceux qui n’ont pas l’habitude de parler aux journalistes. C’est d’autant plus indispensable, insiste de son côté Stéphane Billiet, « qu’une personne peut-être [par ses propos] mise en danger vis-à-vis de la loi [en diffamant son entreprise, par exemple], et qu’il vaut mieux préparer les gens ne serait-ce que pour leur sécurité. »
Un position très clairement inconciliable sur certains points avec le travail même des journalistes, lorsque par exemple Aymeric Caron qui se définit comme « un accoucheur », explique qu’il est intéressé par « la parole brute des gens », même s’il reconnait que le journaliste « a des responsabilités vis-à-vis des gens qu’il interviewe ». Sylvain Lapoix, de Marianne2 s’avoue de son côté partisan du mediatraining, mais pour une catégorie très particulière, celle des dirigeants, « qui ne connaissent plus leur entreprise que par le biais managérial »