Le respect des basiques du journalisme
En théorie, les « indicateurs » qui guident le travail collectif (David Pujadas insiste tout au long du livre sur ce point), sont classiques : « La nouveauté, l’impact sur la vie de la collectivité ou sur l’idée qu’on s’en fait, le nombre de personnes concernées, l’effet miroir… » Pourquoi pas. Ce sont les basiques enseignés les tous premiers jours, dans les écoles de journalisme.
Dans ce corset, les sujets provenant de cette source « à la fiabilité incertaine » qu’est Internet auront du mal à se glisser. C’est le cas de la vidéo montrant Nicolas Sarkozy « perdu bredouillant, hésitant, perdant le fil », lors de la conférence de presse qui suivait sa rencontre avec Vladimir Poutine à l’occasion de son premier G8. « Tu te rends compte, s’il faut diffuser chaque image qui attire les internautes, on va devenir Vidéo-gag! », lâche un journaliste lorsque la question se pose de montrer cette séquence au 20h.
En revanche, l’affaire du RER D (une jeune femme qui avait simulée une agression antisémite) passera comme une lettre à la poste: « Communiqué du ministre de l’Intérieur, chef de la police. Communiqué de l’Élysée (…) Les médias ont suivi et relayé ».
L’audimat ne sert à… presque rien
Voilà donc la grille de base pour filtrer les informations. Il faut y ajouter l’audimat dont l’impact serait… marginal: « C’est d’abord la chaîne qui fait l’audimat (…) Les habitudes des téléspectateurs sont ainsi faites que si demain, Arte fait le meilleur journal, il y a infiniment peu de chances qu’il soit le plus regardé. » Ne pas croire qu’un présentateur différent puisse avoir une influence : « À TF1, Bruno Masure faisait les scores de TF1. À Antenne , il a fait les scores d’Antenne 2 ». À se demander pourquoi tout le monde se jette sur les chiffres de l’audimat dès leur parution…
Mais David Pujadas est bien entendu attendu sur le chapitre de la marge de liberté qu’il possède. À l’en croire, la contrainte ne s’exerce pas où elle est attendue: « Pour un journaliste libre, il n’est pas si difficile de dire non à un ministre, mais il est beaucoup plus compliqué de ne pas écouter son supérieur. » Pas question de censure, mais d' »un habillage éditorial qui vise à faire passer la pilule ».
Le volontarisme constitue-t-il LA solution?
Dans ces conditions, on comprend son opposition à la désignation du président de France Télévision par le président de la République…
La partie la plus convaincante de « Vous subissez des pressions? » se trouve dans les dernières pages, lorsqu’il s’interroge par exemple sur « la très grande uniformité des réflexes journalistiques tous médias confondus » et souligne que « bien plus que les pressions politiques, économiques, bien plus que l’audimat, c’est [le] suivisme qui mine l’information. »
Mais les solutions qu’il propose paraissent bien minces, car elles reposent essentiellement sur une forme de volontarisme individuel de la part de chaque journaliste : « Tout revient toujours à la curiosité. Faire partager son appétit, c’est la seule recette. Son envie de savoir. Se saisir de l’actualité pour éviter qu’elle ne vous saisisse, l’attraper à pleines mains ». Si c’était aussi simple…
• « Vous subissez des pressions? », par David Pujadas, Flammarion, Paris, 2009, 283 pages, 20 euros.