Vie privée et vie publique se confondent-elles désormais? Comment se protéger, à l’heure du « tous journalistes » et des réseaux sociaux ? Après « Information : les filtres sont cassés », deuxième volet sur la question du « filtre ». Celle-ci concerne désormais chacun de nous.
Nous laissons partout des traces qui peuvent être exploitées
Nous confions volontairement ou non un nombre de plus en plus important de données concernant notre vie personnelle. Pour mesurer le degré d’indiscrétion dont chacun de nous peut être victime il suffit de googliser son nom ou, mieux, de le taper dans un moteur de recherche spécialisé comme 123people. Photos, adresses mails, liens… nous laissons partout des traces, qui peuvent être exploitées
Bref, la frontière entre vie privée et vie publique est devenue poreuse. Et personne n’est à l’abri. Par exemple, Raphaël Metz s’est retrouvé dans la position de l’arroseur arrosé, Mickaël Cabon, un blogueur breton, ayant fait en réplique son portrait Google.
Facebook permet de contrôler ses données
La situation est suffisamment inquiétante pour que la Commission européenne, par le voix de Jacques Barrot, un de ses vice-présidents, s’inquiète de l’usage qui est fait de Facebook et des autres réseaux sociaux, en particulier par les jeunes. Ceux-ci, explique-t-il, « exposent leur vie quotidienne sans être informés que les activités online peuvent menacer leur vie privée aujourd’hui mais aussi dans l’avenir » (source : International Herald Tribune).
Facebook est en première ligne, mais fait mal connu, ce site possède un outil très complet et très simple d’usage [il se trouve dans l’onglet « paramètres », dans la version française] permettant à chacun de contrôler l’accès aux données qu’il fournit sur le site. Il existe d’ailleurs sur Facebook un groupe, Pétition pour que Facebook protège nos données personnelles, dont le nombre de membres —374.000— montre la sensibilité des utilisateurs du réseau social sur ces questions.
L’outil « confidentialité » de Facebook
À l’inverse de Google, sur Facebook le « contrôle » et la « collecte » des données sont volontaires
Le fait de pouvoir contrôler ses informations est extrêmement important. Dans le tableau ci-dessous, la comparaison entre la manière dont sont recueillies et gérées les informations tourne très nettement à l’avantage de Facebook, qui est basé sur la « collecte volontaire » et le « contrôle volontaire » (par exemple, il est toujours possible de supprimer son « tag » sur une photo). Le moteur de recherche est loin d’offrir les mêmes possibilités (tableau extrait d’une présentation sur Google, réalisée par une équipe d’étudiants de l’Efrei).
Aujourd’hui, « nous n’avons plus de vie privée »
Cela c’est pour la théorie, car dans la réalité très peu de gens utilisent ces filtres, ou les utilisent mal. Pourquoi ? C’est la question que se pose Clay Shirky, enseignant à la New York University et spécialiste des questions sur les réseaux sociaux.
Pour lui, aujourd’hui « nous n’avons plus de vie personnelle », tout simplement. Nos informations percolent de cercle en cercle de plus en plus large (nos amis, les amis de nos amis, les relations de travail, etc.) jusqu’à être diffusées sur l’ensemble du réseau Internet, alimentant ainsi les flux d’information.
Autrefois, image-t-il lorsque nous parlions à un ami dans la rue, quelqu’un pouvait écouter notre conversation mais cela ne prêtait guère à conséquence. Aujourd’hui, nos mails, nos chats, nos photos, nos travaux en groupe, etc., c’est-à-dire l’équivalent de ces conversations anodines, sont susceptibles de se retrouver sur Internet, et donc d’être diffusées, reprises et mémorisées très longtemps.
Face à cette situation entièrement nouvelle, nous sommes désarmés, car nous savons d’autant moins protéger notre vie privée que « c’est un acte antinaturel », remarque Clay Shirky. Il ne voit donc qu’une solution: non pas gérer nos informations personnelles à la source [nous ne savons pas le faire], mais installer des filtres.
Or, actuellement, les filtres que nous mettons en place ne fonctionnent pas ou fonctionnent mal, ou encore nous ne savons par les utiliser. Bref, notre système de filtrage s’est effondré et il faut le reconstruire. Travail difficile. Il passe par la mise en place de nouveaux outils, mais surtout par une éducation — à la fois individuelle et sociale — à leur utilisation.
Clay Shirky parle de la notion de « filtre » à la Web 2.0 Conference, organisée à New York en septembre 2008
• Points de départ : liens proposés par Patrick sur Facebook et Overload! paru dans le numéro de novembre/décembre 2008 de la CJR. Merci à Julien pour ses informations.