Pour Luca De Biase, l’évolution récente que viennent de connaître les médias est irréversible: « Nous sommes devant une nouvelle réalité et nous devons reconstruire. » Principales caractéristiques de cette « nouvelle réalité »:
- « La société est pleine d’informations » et simultanément « nous n’avons pas le temps pour absorber toutes ces informations »
- les gens ne sont plus passifs mais actifs. Nous avons de plus en plus de gens qui partagent leur temps, leurs connaissances. C’est un « espace commun » qui se construit, dans lequel, insiste-t-il, « l’important est la communion et l’intelligence collective ».
Le rôle du journaliste est d’assurer la transparence de l’information
Dans ces conditions, quel est le rôle du journaliste professionnel ? Cet « artisan », n’est plus là « pour dire comment est le monde », mais « pour assurer la transparence de l’information ». Plus que jamais, insiste-t-il, « nous avons besoin, d’une personne qui cherche les faits et puisse les transmettre. »
Cela signifie que nous devons aussi réfléchir au système de production de l’information, à cet écosystème, où travaillent des reporters, des editors [rédacteurs en chef] et des publishers [éditeurs]. Dans la presse papier, l’espace étant limité, les rédacteurs en chef doivent « couper » dans l’information, tandis que la « créativité est basée sur des actions répétitives ».
Internet change la donne, puisque « l’espace est illimité », avec comme seule frontière, « l’attention du public ». Dans cet espace, où les reporters ont tendance à devenir de plus en plus des auteurs, la « conversation » devient une donnée essentielle. « La technologie permet aujourd’hui, explique Luca De Biase, un feedback et des interactions continues ».
Le deuxième point important est le développement de nouveaux modèles économiques. Pour l’instant « nous sommes dans une phase de transition, dans un système qui a perdu toute direction. »
Il y a bien sûr la question de la publicité. Sur ce plan, les nouveaux médias sont en compétition avec les médias traditionnels (journaux, magazine, radio et télévision), sachant que ces derniers avec 6 milliards d’euros, se partagent la part du lion du gâteau publicitaire italien, qui est d’environ 8 milliards en chiffre d’affaires annuel.
Le bonheur n’est pas une valeur monétisable
Mais Luca De Biase s’interroge sur la validité d’un modèle économique financé uniquement par la publicité: « Celle-ci exige des résultats immédiats, or les résultats sont meilleurs quand de fortes relations se construisent entre l’auteur et le public », ce qui exige du temps.
Mais aussi et surtout, il remet en cause un modèle économique uniquement fondé sur les échanges monétaires: « Beaucoup de choses, comme le bonheur, ne sont pas monétisables » explique-t-il. Prenant en exemple Spot.us, où le financement des reportages est assuré par des dons, il explique que dans ce cas « l’argent n’est qu’un instrument pour réaliser quelque chose [des reportages], dont le but n’est pas de gagner de l’argent à la base ».
Luca De Biase pour continuer à défricher ce champ de réflexions, qu’il estime fécond, a créé un fondation [fondazione Ahref], qui sera aussi un lieu pour développer des innovations selon une logique « non lucrative ».
Pour aller plus loin
- Le blog de Luca de Biase, où l’on trouvera un long billet développant les idées énoncées au Théâtre Pavone [en italien].
- Une interview accordée à Antonio Terrenzano, lors de l’édition 2008 du Festival international de Journalisme de Pérouse
- Economia della felicità. Dalla blogosphera alla valore del dono e oltro, par Luca De Biase, Feltrinelli, 2007, 196 pages.
Le Festival de Pérouse
Sur Owni :
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