Les sites de presse régionales génèrent un nombre non négligeable de visites. Tous les mois, l’OJD publie un hit parade de ces sites, basé sur leur fréquentation. L’occasion de dresser un comparatif plus complet et de regarder les outils —blogs, réseaux sociaux, gestion des commentaires— qu’ils utilisent pour augmenter leur audience.
Sur son blog, Cross Media Consulting, Erwann Gaucher, publie régulièrement le Top 50 des sites d’informations régionaux, basé sur le classement réalisé par l’OJD. Plus exactement, il publie les 23 premiers de ce classement. Les résultats [il s’agit des chiffres de janvier 2011] sont déjà riches d’enseignements. Mais, il m’a semble nécessaire de détailler ce bilan et dans creuser certains aspects pour essayer de comprendre ce qui fait le succès (tout relatif) ou non de ces sites.
Le Parisien domine de la tête et des épaules ce classement, mais il faut relativiser, en terme de comparaison, sa bonne performance. Certes, il s’agit d’un site d’information régionale mais il est aussi perçu comme un site d’information nationale, en raison du couplage Le Parisien/Aujourd’hui. Il serait alors plus juste de le comparer aux sites des quotidiens d’informations générales, comme lemonde.fr (51,3 millions de visites), lefigaro.fr (35,7 millions de visites) ou encore liberation.fr (18,5 millions de visites).
Si l’on s’en tient aux site régionaux « pur sucre », Ouest France est de loin en tête tant par le nombre de « visites » (8,7 millions) que par le nombre de pages vues (37,8 millions), puisqu’il compte le double de « visites » que ses deux suivants immédiats, Sud Ouest (4,4) et Le Télégramme (4,3). Mais ce bon résultat, si on le compare aux chiffres de la diffusion du journal « papier », est relatif: la fréquentation du site d’Ouest France est le double de celle du Télégramme, alors que la diffusion du journal « papier » est le triple de celle de son concurrent breton.
Mais, un autre indicateur me semble intéressant en dépit de sa rusticité; il s’agit du ratio « pages vues/visites ». Il permet de voir —en première approche— si les internautes apprécient un site, reviennent, s’intéressent à plusieurs sujets… Bref, c’est un autre moyen de mesurer leur attractivité, en tout cas de la mesurer en terme comparatif. Ici, la hiérarchie est toute autre. Le site de La Nouvelle République est le champion, suivi de celui de La Montagne et du Dauphiné Libéré. Le site d’Ouest France n’est plus que dans une honnête moyenne, quant à celui du Télégramme, sa performance est très médiocre.
Des stratégies pour les blogs extrêmement différenciées
Depuis quelques années, sur les sites, on assiste à une floraison de blogs. L’ensemble de ces blogs permettent en théorie de drainer une plus grande audience, et sans doute les centaines de blogs hébergés par les sites de La Voix du Nord et celui du Midi Libre participent au succès de ces sites. Concernant la presse régionale, j’en ai identifié quatre types:
- les blogs de la rédaction [j’ai inclus dans cette catégorie les blogs des médiateurs], qui permettent à un journaliste —parfois plusieurs— de couvrir de manière très approfondie un champ précis de l’information: politique, cinéma, jardinage, cuisine, etc.
- les blogs des « invités », lorsqu’ils sont identifiés comme tels; ce sont en général des « experts » dans leur domaine. Par leur blog,ils enrichissent le contenu du site
- les blogs des correspondants, dont certains sites se sont faits une spécialité et qui constituent une stratégie pour mieux couvrir l’information locale, voire hyperlocale.
- les blogs des internautes, sachant que certains sites sont devenus des plateformes de blogs, et que l’on en compte plusieurs centaines [j’ai renoncé dans ce cas à en faire le décompte précis]. L’intérêt ici, est de permettre à tout un chacun —individu, comme association, syndicat, voire entreprise— de créer un espace d’information spécialisé, dès lors « qu’il a quelque chose à dire ». Il bénéficie ainsi du label du site hébergeur.
À l’analyse, on constate que la pratique des « blogs de site » est loin d’être généralisée, puisque la moitié des sites de ce panel (12 sur 23) n’abrite aucun blog. Pour les 11 sites qui utilisent les blogs, les stratégies différent fortement:
- Le Parisien, Ouest France, les DNA et La République du Centre ont décidé de conserver les « clés », puisque les blogs sont tenus exclusivement par des membres de la rédaction. Ces sites demeurent dans une conception journalistique « traditionnelle », dans laquelle seuls les journalistes sont habilités à traiter l’information. Les blogs ne sont alors qu’un « habillage technique », mais il n’y a pas de modification du rapport avec les internautes, qui ne peuvent pas faire partager leur information.
- Sud Ouest, L’Indépendant de Perpignan et La Charente Libre, ont choisi —politique de groupe cohérente oblige— de jouer la carte de l’information hyperlocale, en développant les blogs de correspondants. Le résultat, à la lecture est spectaculaire, lorsque ceux-ci jouent le jeu, et le contenu d’ensemble du site est considérablement enrichi.
- Le Télégramme, La Provence, mais surtout L’Yonne Républicaine, La Voix du Nord, Midi Libre, et à sa manière Nice Matin, ont choisi le foisonnement, en ouvrant leur plateforme à qui veut. Il y a certes à boire et à manger dans ces blogs d’une variété infinie, mais ce choix permet à chacun de pouvoir s’exprimer sur le site, qui (re)devient le lieu du débat et de la discussion.
Avec les réseaux sociaux, « ce n’est pas gagné »
Les réseaux sociaux sont considérés comme des médias à part entière sur lesquels les sites d’information doivent [devraient?] assurer leur présence. Ils permettent entre autres d’agréger des communautés autour du site, de rajeunir et de féminiser l’audience avec Facebook, d’assurer la présence du site [de la marque] dans le média d’information immédiate que constitue Twitter, etc. Les réseaux sociaux, s’ils sont bien utilisés, permettent aussi d’augmenter l’audience du « site mère »,
En première analyse, disons que « ce n’est pas gagné ».
1. Côté Facebook
La Manche Libre n’a pas encore créé de page Facebook. En 2011! D’autres visiblement n’y investissent pas, comme Le Télégramme (400 amis/fans), Le Progrès (600 amis/fans), La République du Centre (200 amis/fans), ou encore Le Journal du Centre (700 amis/fans). La barre des 10.000 amis/fans n’est franchie que par 3 sites: Sud Ouest (17.400), La Voix du Nord (25.600) et Le Parisien (69.600).
Le succès de La Voix du Nord s’explique pour une faible part par la multiplication des pages selon une logique thématique (emploi, sports, féminin, etc.) et locale (page Arras, Cambrai, etc.). Une faible part, car l’essentiel du succès de La Voix du Nord sur Facebook est assurée par la page du site qui compte à elle seule près de 19.000 amis/fans sur un total de 25.600. Cette stratégie de la « dispersion » sur Facebook, choisie aussi avec moins de succès par Ouest France, sera peut-être efficace sur le long terme, mais pour l’instant, il faut admettre que ces pages Facebook locales ou thématiques n’agrègent que de minuscules communautés.
2. Côté Twitter
Nous sommes au bord de la Bérézina : 7 sites [MÀJ du 18/02/2011] n’ont pas de compte Twitter (sur 23) en tout cas je ne les ai pas identifiés. La plupart ont un nombre de followers ridiculement faible, 1.200 pour Midi Libre, 1.800 pour les DNA, ou insatisfaisant: 5.800 pour Ouest France et Sud Ouest, c’est peu. Deux raisons expliquent cette mauvaise performance et en premier lieu la relativement faible pénétration de Twitter dans les régions. Mais la raison principale tient sans doute au fait que les fils Twitter de ces régionaux n’ont que peu d’intérêt, puisqu’ils ne font que reprendre les titres des articles au fur et à mesure de leur publication sur le site. Ce ne sont en fait que des flux RSS déguisés.
Les rédactions n’accordent pas assez d’attention à la gestion des commentaires
Pour terminer, un mot sur les commentaires en fin d’articles. Cela mériterait un post à lui seul. Nous en sommes encore au Moyen Age. Certains sites comme celui d’Ouest France n’acceptent pas les commentaires, d’autres comme celui de La Montagne les ont ouverts mais sans succès, car les commentaires y sont aussi rares qu’un cheveu sur le crâne d’un chauve. D’autres ont plus de réussite, comme Le Parisien, Sud Ouest, La Provence… mais la rédaction se garde bien d’intervenir dans les discussions des internautes. Résultat l’article et les commentaires qui le suivent ne sont pas « liés », les réponses s’enchaînent sans autre logique que la réaction au(x) commentaire(s) qui précèdent, etc. C’est d’autant plus dommage que la qualité d’un site tient autant aux informations qu’il produit qu’à la discussion qu’elles suscitent, et qu’une bonne qualité de « discussion » ne peut qu’améliorer la fréquentation d’un site. En n’accordant pas assez d’attention à la gestion des commentaires, les rédactions se tirent une balle dans le pied.