Qu’est-ce que les États généraux de la presse écrite ? Qui y participe réellement, des individus ou des organisations ? Pourquoi les compte-rendus publiés sur le site officiel de ces États généraux sont-ils expurgés de questions brûlantes pourtant abordés dans les commissions ? Comment et qui rédigera le « livre vert », qui doit reprendre les principales recommandations élaborées lors de ces États généraux ? Etc.
Ces questions tournaient en boucle à l’écoute des intervenants au débat organisé par Ça presse!, ce lundi 8 janvier 2008 au Press Club à Paris, où intervenaient Jean-Marie Charon, sociologue, Alain Girard, premier secrétaire du SNJ et Jean-Michel Dumay, président du Forum des Journalistes.
Un timing très serré qui ne permet pas d’avancer intellectuellement
Et en premier lieu sur l’organisation elle-même des États généraux [ici, le site officiel]. Actuellement, la plupart des pôles ont terminé leurs travaux sauf celui, Métiers du journalisme, présidé par Bruno Frappat. La phase suivante est la rédaction d’un livre vert pour la fin du mois de décembre 2008, avant une intervention de clôture de Nicolas Sarkozy en janvier 2009. Voilà pour le calendrier officiel.
« Ce timing très court, explique Jean-Marie Charon, sociologue et spécialiste des médias, ne permet pas de revenir sur des questions; en outre le fait que nous travaillons sur des recommandations et non des analyses ou des modes d’emploi produit un phénomène d’assèchement. Cela ne nous permet pas d’avancer intellectuellement sur les sujets et cela se règle plutôt par des rapports de forces ».
Qui représente quoi dans ces États généraux de la presse écrite ?
Autre problème le double cloisonnement horizontal et vertical de ces États généraux. L’un, fait que les mêmes sujets sont abordés sans concertation dans les différents pôles : ce fut le cas des chartes de journalisme et des équipes rédactionnelles notamment. L’autre, fait que les membres des commissions ignorent ce qui se passe à l’étage supérieur, notamment lors des réunions du jeudi soir qui réunissent les 4 présidents de pôle autour d’Emmanuelle Mignon et de Bernard Spitz.
Jean-Marie Charon s’interroge aussi sur la volonté de faire revenir en débat des sujets qui sont sur la table depuis longtemps, comme la distribution de la presse. En fait, remarque-t-il, « les acteurs ont changé ». Et c’est l’un des problèmes de ces États Généraux : qui représente quoi ? En effet, note-t-il « les organisations patronales ne sont pas là en tant que telle », et jamais je n’ai rencontré de gens aussi inexpérimentés. » [D’autres intervenants parlerons même « d’inculture »].
Le politique est dans une situation confortable
Une situation inédite, qui conduit les patrons de presse à faire de la surenchère [Alain Girard, premier secrétaire du SNJ, dira même « ils se lâchent! »], puisque leurs organisations ne se trouvent pas dans l’habituel cadre contraint de négociations professionnelles. D’autre part, souligne Jean-Marie Charon, « la période d’arrivée du livre vert sera une période de pression très forte ». En même temps, « ce sera pour le politique une situation confortable qui lui permettra de faire des choix originaux ».
Originaux sans doute, mais un certain nombre de points fondamentaux sont pour l’instant bloqués, comme la question de l’équipe rédactionnelle, ou encore en discussion. Alain Girard [il précise que lui, très clairement, représente le SNJ dans ces États généraux] , qui fait partie du pôle présidé par Bruno Frappat, note qu’après avoir parlé formation, puis déontologie, la question du statut des journalistes commence seulement à être abordée. Trois points lui semblent fondamentaux :
• le droit d’auteur, [les journalistes sont aussi des auteurs] qui pour le SNJ est « un enjeu de démocratie »
• la clause de cession, qui est menacée avec en arrière-plan la remise en cause de la commission arbitrale
• l’emploi de non-professionnel pour produire des contenus.
Des compte-rendus officiels incomplets
Ces points vont donc être abordés au mois de décembre, mais il en est d’autres qui ont fait l’objet de discussions acharnées dans d’autres pôles sans que cela n’apparaisse dans les compte-rendus officiels. Jérôme Bouvier explique ainsi que la question de « l’indépendance rédactionnelle » abordée lors de chaque réunion n’a jamais été reprise dans le compte-rendu officiel.
[Signalons que l’on trouve énormément d’infos sur le site officiel des États généraux, notamment des documents bruts, des interviews, mais qu’effectivement les compte-rendus des séances sont parfois sibyllins].
Or, cette question est fondamentale. Il s’agit de mettre en place un « pouvoir rédactionnel » et de sortir de l’actuelle « conception verticale, obsolète pour le public » explique Jean-Michel Dumay, président du Forum des SDJ. Cela suppose la mise en place d’une « équipe rédactionnelle », accompagnée d’un rééquilibrage [ou redéfinition] des rapports entre celle-ci et l’éditeur, avec bien sûr l’intégration d’une charte dans la convention collective. Sur ce dernier point Alain Girard notait une avancée : l’idée d’intégrer un charte « socle » dans la convention collective quitte à ce qu’elle soit éventuellement complétée dans chaque type de presse semblai
t possible.
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Les 4 doléances du RAJ
En fin de soirée Pascale Colisson, secrétaire générale de l’Association des femmes journalistes(Afj) et Lorenzo Virgili, de Freelens, présentaient les 4 doléances élaborées par les membres du RAJ, qui fédère désormais quelque 1600 journalistes à travers leurs associations.
Il s’agit donc de
• faire reconnaître par la loi l’équipe rédactionnelle
• adapter pour mieux le préserver le droit d’auteur
• réaffecter les aides à la presse selon des critères de qualité et déontologiques
• les seuils de concentration.
Un travail encore amené à évoluer et sur lequel nous reviendrons en détail très prochainement.