La publication du Livre vert était attendue, même si son contenu avait déjà éventé. Il est disponible en Pdf sur le site du ministère de la Culture et de la Communication ou sur Journalisme.com.
Pas de grandes surprises, mais beaucoup de points qui méritent d’être analysés finement, car derrière des propositions qui peuvent sembler de « bon sens », ou « aller dans le bon sens », peuvent se cacher ces détails dans lesquels « se cache le diable ».
Voici donc une short list des points, qui semblent essentiels :
– La reconnaissance des équipes rédactionnelles n’est « pas le sujet du moment ni une solution aux problèmes posés » [in Introduction pôle I]
– Tout journaliste qui n’aurait pas bénéficié d’une formation initiale reconnue, devrait bénéficier, dans les 3 premières années de son exercice professionnel d’actions de formation continue. Le contenu pédagogique et les objectifs devraient en être définis par la Commission paritaire nationale de l’Emploi des Journalistes (CPNEJ)
– La tentation d’un numerus clausus, via la limitation du nombre d’écoles de formation initiale reconnues, est forte. Les syndicats de journalistes et les représentants des écoles s’y sont pourtant opposés lors des débats du pôle 1. Un débat tranché par les derniers chiffres de la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels : sur 2004 cartes « première demande » délivrées au 2 janvier 2009, seules 295 l’ont été à des diplômés de l’une des 12 écoles de formation initiale reconnues.
– L’idée d’un Conseil de presse est écartée (par le Pôle 1)
– Un code de déontologie devrait être élaboré d’ici un an, à partir des chartes de 1918, 1971 [de Munich] et de la Charte qualité de l’information [Assises Internationales du Journalisme de Lille 2008] notamment. À côté de cet effort d’unification, le pôle 1 encourage la « pluralité » des chartes selon les médias, les titres, etc.
Le pôle 4 lui veut « Une charte déontologique à discuter entre les partenaires sociaux [elle sera] annexée à la convention collective des journalistes. L’attribution et le renouvellement annuel de la carte d’identité des journalistes professionnels seront liés à la signature de cette charte. » Le pôle 4 souhaite une charte « obligatoire » par publication.
– Les aides à la presse ne sauraient être liées à la déontologie (pôle 1)
– Le rôle des médiateurs est nié par le pôle 1: les responsables éditoriaux ne doivent pas « se défausser » de leurs responsabilités par rapport à leurs publics, les médiateurs pouvant « faire écran entre le public et les responsables des rédactions. » À l’inverse la pôle 4 « recommande de nommer un médiateur dans toutes les entreprises de presse pour entretenir le dialogue entre la rédaction et son public ».
– Le droit d’auteur, entendu comme le « droit moral que possède un journaliste sur ses productions, c’est-à-dire le droit au respect de son nom et de son œuvre ne saurait être remis en cause. » En revanche, la cession du droit d’auteur du journaliste au profit de l’éditeur doit intervenir « dès la signature du contrat de travail ». « La notion de publication de presse s’entend multi-supports et multi-fonctions sous la marque de la publication ». Enfin, la cession des droits peut, « moyennant rémunération complémentaire [payée en droits d’auteur] s’étendre à d’autres publications ».
– Le principe des clauses de conscience et de cession est maintenu.
– Reconnaissance d’un statut d’éditeur de presse en ligne [pôle 3], qui reposerait sur 3 critères: exercice d’une mission d’information; production d’un contenu original ayant fait l’objet d’un contenu journalistique; emploi régulier de journalistes professionnels.
– Modification de la TVA : Permettre le développement des recettes en ligne en particulier par « la fin d’un système de taxation inégalitaire entre l’univers physique et l’univers numérique ». En clair, aligner la TVA de la presse en ligne sur celui de la presse écrite, soit, 2,6%.
La moitié des membres du sous-pôle « pluralisme, développement et concentration » du pôle 4 [l’autre moitié s’y est opposée] souhaite que le taux de TVA à 2,6% soit maintenu pour les seuls quotidiens et magazine d’information politique et générale (IPG), les autres passant au taux de 5,5%. Une mesure qui permettrait de dégager 100 millions d’euros pour soutenir la presse IPG.
Passons sur les « recommandations » plus folkloriques comme la création d’un prix Pulitzer français [il existe déjà le prix Albert Londres!] ou la création d’une « université du vendredi midi », réservée aux seuls « journalistes de la presse écrite IPG ». Quelle est cette étrange catégorie ignorée de toutes les instances professionnelles et institutionnelles qui apparaît ainsi au détour d’une proposition ?
Oublions que l’on ne sait toujours pas qui et ce que représentaient « les 150 professionnels qui se sont réunis pendant une dizaine de semaines », car ils « n’étaient ni les représentants es qualité, ni les élus de corps constitués », comme l’écrit joliment dans l’introduction du Livre vert, Bernard Spitz, délégué à la coordination des EGPE.
Intéressons-nous pour finir à la « mise en perspective » que le même Bernard Spitz brosse en fin de ce Livre vert. Pour lui « c’est au Gouvernement de se saisir [des recommandations] et —s’il les partage— de les mettre en œuvre. » Peut-être, mais tout ne dépend pas du seul gouvernement, l’application de ces « pistes neuves » demande notamment une modification du cadre législatif, donc l’intervention du Parlement.
En attendant, le calendrier à suivre est : le 20 janvier édition spéciale des Assises Internationales du Journalisme à Paris et, à une date encore indéterminée, intervention de Nicolas Sarkozy…