[the] media trend

Les journalistes québécois victimes de la concentration des médias

« La grande majorité des journalistes, tous conglomérats confondus, sont d’avis que la concentration et la convergence des médias nuisent à la qualité, à la diversité et, surtout, à l’intégrité de l’information, qui serait détournée du service public afin de satisfaire des intérêts particuliers. » C’est un constat très amer que dresse le chercheur canadien Marc-François Bernier (photo ci-contre), à l’issue d’une enquête menée auprès de 385 journalistes québécois. 


À l’heure où, en France on parle, à l’occasion des États Généraux de la presse écrite, d’assouplir les seuils anti-concentration, l’étude menée par Marc-François Bernier offre une mise en perspective intéressante mais douloureuse. Il balaie le premier argument mis en avant par le rapport Giazzi, [rapport préalable aux États généraux] en faveur de la concentration des médias: « Maintenir et renforcer la qualité des industries du contenu ».
La « détresse » des journalistes travaillant dans le groupe Québécor
Les journalistes interrogés dans le cadre de cette enquête, réalisée en 2007, travaillent principalement pour Radio Canada, pour Gesca, éditeur entre autres du célèbre quotidien québécois La Presse, [Gesca est une filiale à 100% de Power Corporation du Canada, le groupe de la discrète mais très riche et très influente politiquement famille Desmarais], et Quebecor. Ce dernier groupe est le plus important éditeur de journaux canadiens à travers deux filiales :
• Osprey Media, qui édite une vingtaine de quotidiens, essentiellement dans de petites villes et des magazines ;
• Corporation Sun Media, la première chaîne de journaux régionaux canadiens.
Selon l’enquête, la situation la plus critique pour les journalistes se trouve chez Québécor, car ils sont « contraints par un corset organisationnel qui les empêche souvent de se livrer au journalisme de qualité qu’ils souhaitent pourtant faire. » Marc-François Bernier n’hésite à parler pour eux de « détresse, tellement ils jugent leur situation déplorable sur le plan professionnel. »
Les journalistes sont des « demi-professionnels »
Marc-François Bernier est encore plus clair lorsqu’il décrit ces « demi-professionnels » que sont devenus à ses yeux les journalistes : ils « voudraient être des professionnels, mais ils ont un statut d’employé qui les prive en bonne partie de l’autonomie dont ils auraient besoin pour servir avant tout l’intérêt public. (…) Ils voudraient avoir plus de liberté et produire une information plus pertinente socialement, mais ils savent que leur salaire et leurs conditions de travail reposent sur des impératifs économiques qui s’opposent souvent à ces nobles aspirations. »
L’universitaire enfonce un peu plus le clou lorsqu’il écrit : « De plus, ils ont perdu le monopole de l’information (…) Dans certains cas, [des] journalistes amateurs diffusent des informations pertinentes avec la même compétence que les journalistes dits professionnels. Cela, ajouté à leur statut d’employé, affecte doublement leur identité professionnelle, qui en sort quelque peu meurtrie. »
Les journalistes ne peuvent rien sans le public
La conclusion de Marc-François Bernier est sans appel : « Notre analyse incite à croire que les journalistes, individuellement ou collectivement, ne peuvent améliorer la situation s’ils ne sont pas appuyés par des mesures législatives qui limiteraient ces effets néfastes. Mais, surtout, les journalistes ne peuvent rien si le public n’exige pas le respect de son droit à une information de qualité, à la fois libre et responsable. » Tout est dit.
• Ce post est la reprise des grandes lignes d’une libre opinion de Marc-François Bernier parue dans Le Devoir.com (daté des 6 et 7 décembre 2008) sous le titre : Médias La convergence pèse lourd sur les épaules des journalistes du Québec.
Cette tribune reprend les grandes lignes de l’étude publiée aux Presses Universitaires de Laval sous le titre Journalistes au pays de la convergence. Sérénité, malaise et détresse dans la profession.

La Fédération professionnelle des Journalistes du Québec (FPJQ) tenait son congrès du 5 au 7 décembre 2008. Son slogan : « Rigueur, indépendance et équité au service du public » 

Quitter la version mobile