Lundi 8 décembre 2008, Ça presse ! organise un deuxième débat consacrée aux États généraux de la presse écrite. Depuis, le précédent, le 21 octobre, la situation a considérablement évoluée, avec notamment la mise en place du Rassemblement des Associations de Journalistes (RAJ). Il a élaboré un premier document. Loin d’être figé, il sera l’un des points importants de la discussion ce 8 décembre, au Press Club (8, rue Jean Goujon, Paris 8e, à partir de 19h45).
Les représentants des associations de journalistes regroupées au sein du RAJ [qui possède son propre site], se sont concentrés sur 4 points:
• la reconnaissance par la loi de l’équipe rédactionnelle,
• le droit d’auteur et son éventuelle évolution,
• les aides à la presse qui devraient être affectées en fonction de critères de qualité et déontologiques,
• les seuils de concentration, avec les conséquences que leur abaissement entraînerait.
La réunion du 8 décembre est d’autant plus importante qu’en quelques semaines les événements se sont précipités et les initiatives multipliées.
Mediapart, RSF, les syndicats de journalistes, Acrimed, Marianne… l’état de la presse mobilise
C’est en premier lieu, le rendez-vous organisé conjointement par Mediapart et Reporters sans frontières au TEP à Paris, le lundi 24 novembre 2008. Il a rassemblé plusieurs centaines de personnes. La pétition lancée dans la foulée compte aujourd’hui plusieurs milliers de signatures. Mediapart et RSF poursuivent d’ailleurs leur initiative et organise un deuxième rendez-vous, cette fois au théâtre de l’Odéon, le lundi 15 décembre.
Le 27 octobre, une réunion était organisée par plusieurs syndicats de journalistes avec l’Acrimed, sur le même thème. Il faut ajouter l’Appel de Marianne « pour l’indépendance et le pluralisme des médias ». Ces événements se déroulent dans une conjoncture économique dégradée, qui a sa traduction en terme de suppression de postes et d’emplois dans la plupart des groupes de presse, sans compter l’émotion suscitée par l’arrestation musclée de Vittorio de Philippis.
En toile de fond, la réforme de l’audiovisuel public
Il faut ajouter en toile de fond, la réforme de l’audiovisuel public. La discussion du texte de loi avance à une allure de tortue à l’Assemblée nationale, mais l’un des points sensibles a d’ores et déjà été adopté, à savoir la nomination du Pdg de France Télévision par l’Elysée. Ce doit être ce que l’on appelle une garantie d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique…
C’est dans ce contexte que se poursuivent les États Généraux de la presse écrite dont la représentativité est de plus en plus discutée avec les départs successifs des représentants des journalistes, le Forum des SDJ ayant lancé le bal suivi par la CGT et la CFDT. Les lecteurs (et les internautes) étant également, et ce depuis l’ouverture des travaux, les autres grands absents de ces débats.
Des États généraux où se pratique l’entre-soi
L’organisation elle-même des États généraux pose problème. Le premier est lié à l’évidence au fait que ces États n’ont de « généraux » que le nom, et ce n’est pas faire injure à la qualité des personnes qui s’y expriment. Pour prendre un seul exemple, comment est-il possible de parler de formation professionnelle sans la présence d’un représentant d’une ou de plusieurs régions, puisque la formation professionnelle relève de la compétence de ces collectivités territoriales ? Sans entendre également un représentant de l’Anpe dont le rôle de conseil et d’orientation des demandeurs d’emploi et des pigistes (qui sont souvent inscrit à l’Anpe) est essentiel ?
Les États généraux fonctionnent donc selon un principe endogame, ou dit autrement de l’entre-soi. Pourquoi pas ? Mais il s’agit de refonder la presse écrite, de réfléchir à son futur et à son avenir sur Internet, et les portes auraient du être plus ouvertes pour que les travaux soient plus féconds. [Au passage : l’avenir des radios et des télévisions se jouera aussi sur Internet; elles devraient donc être aussi présentes dans ces États généraux au moins pour cet aspect]
La théorie de l’œuf et de la poule remise au goût du jour
dans un discussion fort importante sur la notion d’éditeur sur le web. Elle aboutit, selon le compte-tendu officiel, à cela : « Tous les participants s’accordent pour faire de l’emploi de journalistes professionnels par les sites d’informations un élément discriminant de la définition du statut d’éditeur. Selon Pierre Conte, les journalistes sont « le point commun entre les vieux médias et les pure players » ».
Une jolie réinvention de la théorie de l’œuf et de la poule. En effet, pour être journaliste professionnel… il faut travailler pour un journal (ou une agence) qui possède un numéro de commission paritaire, lequel est délivré par la très discrète Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Or, celle-ci ne délivre de numéro que pour les publications (en fait la presse écrite) et les agences.… et
pour l’instant rien n’est prévu pour les sites d’information pure player, sans même parler des blogs. Contradictions…
• Mise à jour du 9 décembre 2008 : J’intègre ici une remarque que m’a fait parvenir Éric Marquis, actuel vice-président de la Commission de la carte des journalistes professionnels, et qui me semble importante :
– La Commission de la carte (CCIJP) attribue d’ores et déjà des cartes pour le journalisme en ligne, exigeant notamment que la « mission d’information du public » figure dans les statuts de l’entreprise (ce critère est repris par le pôle 3) – l’article L7111-5 du Code du travail rattache à la définition des journalistes professionnels (L7111-3) les « journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication au public par voie électronique ». Donc une fois que la loi aura établi un statut de l’éditeur en ligne, on peut imaginer de calquer ce qui se passe pour la presse papier : la CPPAP ou une autre instance sera amenée a apprécier si les sites remplissent les critères établis par la loi.
Demain tous autoentrepreneurs ?
Et puis la communication autour des États Généraux, est elle aussi un peu étrange. Dans le compte-rendu de séance du 2 décembre 2008, du pôle IV Presse et Société, on lit cette phrase lénifiante : » Il [un des groupes du pôle Presse et société] a également ré-évoqué la question du statut des pigistes et des correspondants locaux de presse ». Pour dire quoi ?
Benoît Raphaël nous l’apprend sur son blog Demain tous journalistes ? : « C’est l’une des propositions qui sortira de l’un des groupes « Presse et Société » (auquel je participe), et qui sera transmise à l’Elysée le 4 décembre à l’issue des États Généraux de la Presse Écrite: Peut-on utiliser le statut d’auto-entrepreneur aux fournisseurs de contenus non journalistes, pour améliorer le statut des correspondants locaux et des blogueurs travaillant pour des sites d’info? »
Un manque flagrant de coordination entre les pôles
Une paille ! Certes, le statut d’autoentrepreneur n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2009 [ici le guide de l’autoentrepreneur], mais voilà qu’il trouve d’emblée un champd’ application. Cela ne fera qu’un peu plus de paperasse pour les correspondants, mais ne changera en rien la précarité de leur statut et la faiblesse de leur rémunération. Quant aux « blogueurs travaillant pour des sites d’infos », je ne peux que renvoyer à la discussion du pôle III, esquissée deux paragraphes plus haut.
À l’évidence, il va falloir une solide réunion de coordination pour accorder les violons —et les propositions— des différents pôles, dont visiblement les travaux ne sont guère coordonnés !
Mais de tout cela il sera sans doute également question le lundi 8 décembre au Press Club.