En Allemagne ne dites pas convergence, vous ne seriez pas compris. Ici, on ne jure que par le cross-média. Cette nuance sémantique masque un aspect souvent ignoré. La mutation brutale que connaissent actuellement les médias bouscule des modes d’organisation, voire des traditions différentes selon les pays. Par exemple aux États-Unis, le travail était (est ?) fortement divisé entre les reporters/rédacteurs d’une part et les éditeurs/SR d’autre part. En Allemagne, au contraire chaque journaliste avait (a ?) une compréhension globale de l’ensemble du travail journalistique.
Le rapprochement des différents médias et des différents métiers que provoque la convergence bouscule ces héritages et oblige à repenser autrement le travail journalistique et l’organisation des rédactions.
L’étude du Dr Klaus Meier sur La convergence dans les rédactions en Allemagne (Pdf) explique finement ce que pèse le passé et comment une profession toute entière a su évoluer en profondeur, relativement rapidement.
La notion de Newsdesk n’existait pas il y a 12 ans
Par exemple, il y a douze ans, « il n’existait aucun Newsdesk » dans le pays. Aujourd’hui, plus de la moitié des entreprises de presse se sont dotés de ces desks centraux, qui coiffent les différentes rédactions (papier et web ; radio et web ; etc.) et où se discutent et se décident les sujets, les plannings, la production.
Cette nouvelle donne ne pouvait qu’avoir un impact très fort sur l’organisation interne de rédactions où traditionnellement les différents services —politique, économie, sports, etc… — sont très compartimentés.
De vastes newsrooms sur le modèle américain
Dans un premier temps, de 1998 à 2006, les directions se sont attachés en priorité à combler les fossés existants entre les services. Depuis, elles développent des plate-formes multimédias, où collaborent journalistes papier et web, par exemple. Cela se traduit notamment par l’apparition, en lieu et place des traditionnels bureaux, de vastes newsrooms sur le modèle américain, où sont regroupés différents services, et où les journalistes travaillent pour plusieurs supports : quotidien, édition dominicale, web, etc.
Les conséquences de cette évolution sont ambivalentes, selon le Dr Meier :
• d’un côté, les journalistes sont soumis à une pression de plus en plus forte et la qualité de leur travail peut se dégrader parce qu’ils sont obligés de travailler pour plusieurs supports, voire plusieurs médias. Il en va de même pour la qualité de l’information notamment locale. Un aspect important, dans un pays qui compte 118 quotidiens locaux et régionaux contre seulement 10 quotidiens nationaux (qui sont d’ailleurs des régionaux à vocation nationale, Bild étant le seul quotidien réellement national).
• de l’autre, la qualité de l’information s’améliore en raison des nouvelles organisations mises en place et de l’obligation de la penser pour plusieurs plate-formes et plusieurs médias. Un jeu auquel les journalistes qui se piquent au jeu prennent un grand plaisir… professionnel.