Alana est une jeune femme moderne : elle aime les nouvelles technologies, les médias, s’amuser, le journalisme, le cinéma, les sushi, les voyages et le fitness. Elle a aussi un compte Facebook, un blog personnel, (« avec des vidéos », précise-t-elle), elle utilise le service de microblogging Twitter, et enfin elle est correspondante à temps partiel pour un blog spécialisé sur les médiaux sociaux Mashable.
L’enseignement à la New York University est très old media
Tout devrait donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, or ça coince. Comme elle le raconte dans un billet corrosif, la NYU —et donc son enseignement— est resté très « old media » :
• il est préférable de faire son stage dans un magazine ou un quotidien (papier,bien sûr) ;
• il faut venir en classe avec le New York Times (chez nous, ce serait Le Monde); or, proteste-t-elle « pourquoi ne nous laisse-t-on pas avoir accès à la version online, avoir nos informations sur d’autres journaux, voire utiliser nos NYT app sur notre iPhone ? »
• il faut apprendre à écrire pour un quotidien ou un magazine, car « écrire pour un blog ou un site, ce n’est pas du journalisme »;
• Devenir editor (secrétaire de rédaction/éditeur) dans un magazine ou un quotidien « est le seul emploi intéressant ».
Pour ajouter à son désarroi, elle constate lors du traditionnel tour de table de début de formation qu’elle est la seule — sur 16 étudiants — à tenir un blog. Or, dit-elle, « avoir un blog c’est comme avoir une voiture ».
Un fossé générationnel et une approche différente du journalisme
L’incompréhension continue avec son enseignante, lorsque celle-ci lui explique que l’un des traits de sa génération est anti-sociale, parce que les jeunes ne se parlent pas directement « en face en face » et qu’ils passent trop de temps online. Une vision que réfute totalement Alana : « Pour notre génération il est plus facile [grâce aux réseaux sociaux de type Facebook et MySpace] de rester en contact, d’organiser une réunion [meetup], d’organiser une soirée, ou de demander un rendez-vous un quelqu’un » qu’à la génération précédente.
Le problème est donc double : d’une part, un fossé générationnel et d’autre part, un approche différente du journalisme, liée à son expérience personnelle. Par exemple, raconte-t-elle, « au semestre précédent, notre professeur a voulu innover en créant un blog de classe. Il a échoué car le professeur pensait que nous pourrions être auteurs et secrétaire de rédaction comme dans un magazine. Or, les blogs ne fonctionnent pas de cette façon et ne sont certainement pas écrit de cette manière ». (l’auteur de ce blog confirme!)
Les questions soulevées par Alana Taylor sont extrêmement importantes. Elles sont de deux ordres :
• qu’est-ce que le journalisme, ou plus exactement qu’est-ce que le journalisme de blog et de réseaux sociaux ? Pour l’instant, il est en pleine évolution, et les quelques points de repères « académiques » que l’on présente comme le Huffington Post aux États-Unis, ou Rue89 en France ont pour caractéristique d’avoir été conçus par des journalistes professionnels expérimentés. Ils ont intégré nombre d’outils des blogs et des réseaux sociaux, mais le processus de fabrication (choix, édition) revient toujours aux journalistes. Or, c’est ce que sous-tend le billet d’Alana Taylor, c’est qu’une autre forme de journalisme, à l’écriture plus libre, plus personnelle, détachée de la presse écrite, est en train de s’inventer.
• l’enseignement du journalisme. La question m’intéresse, forcément. Comment préparer à cette nouvelle forme de journalisme? Faut-il un enseignement distinct de l’enseignement « traditionnel » (je mets beaucoup de guillemets) et si oui lequel? Qu’est-ce que cela signifie « écrire sur un blog »?
« Vos posts n’ont pas un paragraphe complet »
Un commentaire posté sur le blog d’Alana (sans doute par un journaliste vieille école) lui fait la remarque acide suivante : « J’ai lu les posts sur votre blog. Nombre d’entre eux comprennent un photo, mais n’ont pas un paragraphe complet (…) C’est formidable que vous sachiez blogger, mais vous ne semblez pas créer un contenu très original, donc il me semble prématuré que vous disiez ce qui est bien ou mal à propos de l’enseignement du journalisme. »
Sans doute, mais cette critique de Brian, qui se veut saignante, me semble inappropriée, et pour le coup vraiment « vieille école », car elle ne donne d’importance qu’au texte et à lui seul. Or, Alana est très fière d’intégrer sur son blog des vidéos, des photos, mais elle a choisi d’écrire des textes très courts, bien qu’elle sache écrire long. Son post décrivant l’enseignement à la NYU en est la preuve.
Mais sur tout cela nous reviendrons, car nous sommes au cœur de l’objet de ce blog.