[the] media trend

SuperMedia : Le journalisme ne se sauvera qu'au prix de changements radicaux

« Sauver le journalisme, il peut sauver le monde ». À lire le sous-titre de Supermedia, on se dit que Charlie Beckett, directeur de POLIS (forum de recherche et de débat sur le journalisme et la société de la London School of Economics) place la barre haut. En fait, c’est une véritable révolution du journalisme qu’il propose. Il emporte, sur de nombreux points, l’adhésion.

Mais d’abord, et c’est la trame de son argumentation, Charlie Beckett est convaincu du rôle central que joue le journalisme dans la démocratie. « Rendre compte de la politique est le rôle le plus important du journalisme, écrit-il. C’est comme cela que les sociétés discutent du pouvoir ».
« La société a changé radicalement ces 30 dernières années »
Or, les médias traditionnels sont actuellement extrêmement menacés. Beckett ne fait que reprendre les données déjà connues (effritement des ventes, pertes de revenus, fragmentation des publics et des lectorats, importance de la gratuité) mais il remet celles-ci dans une perspective plus radicale :  » Il ne s’agit pas d’un changement mineur. Il ne s’agit pas d’une nouvelle génération qui utiliserait d’étranges nouveaux jeux et sites d’une nouvelle manière. En fait, la société a changé radicalement ces 30 dernières années (…) Le domaine public (public sphere) change. » 
Le journalisme doit donc évoluer (s’il veut conserver son rôle social), tout autant que l’a fait —et le fait— la société. L’une des solutions viendrait de ce qu’il appelle le « networked journalism » (que je traduis par « journalisme de réseau »).
Les journalistes professionnels doivent partager la fabrication de l’information
Il s’agit de propositions radicales : 
• les journalistes professionnels des grands médias doivent partager la fabrication (« the very process ») de l’information ;
• le journalisme de réseau inclu le journalisme citoyen, l’interactivité, l’open sourcing, les wikis, les blogs, et les réseaux sociaux, « non comme des ajouts, mais comme une part essentielle de la production et de la distribution de l’information elle-même »;
Bref, c’est un appel à briser « délibérément » tout ce qui ligote et bride le journalisme, par exemple la distinction entre professionnel et amateur. 
Le public devra s’éduquer aux (nouveaux) médias
Bien sûr, il ne s’agit que de propositions, mais elles sont d’autant plus fortes que Charlie Beckett, journaliste expérimenté, « parle de l’intérieur » d’une profession dont il connaît les contraintes. Ces propositions sont d’autant plus fortes qu’il lie très étroitement les changements technologiques, sociaux, économiques et culturels, qui favorisent l’émergence de nouveaux usages et modes de fabrication de l’information. 
Mais attention, dit-il en substance, les journalistes et les médias doivent changer, mais aussi le public, qui doit également s’éduquer… aux médias, s’il veut comprendre et surtout s’impliquer, dans le networked journalism
Supermedia: Saving journalism so it can save the world, est publié chez Blackwell Publishing (2008). Deux chapitres, en particulier la description du networked journalism, sont accessibles gratuitement sur le site de POLIS(en anglais) 
– Il est possible de lire sur le site du Huffington Post, une longue interview de Charlie Beckett, à propos de ce livre, réalisée par Eric Kuhn (en anglais)).
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