[the] media trend

Journalistes : une baisse préoccupante

Journaliste, une profession malade ? La question se posait déjà il y a deux ans. Avec la publication du dernier rapport de l’Observatoire des métiers de la presse, qui s’appuie sur les statistiques de la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels, la question mérite plus que jamais d’être posée. Pour la première fois depuis la Libération, le nombre de journalistes professionnels a en effet baissé.

Journaliste : une profession malade ? Le constat dressé il y a deux ans, le 24 novembre 2009 [lire sur ce blog ici et ] est plus que jamais actuel à la lecture de nouveau rapport de l’Observatoire des métiers de la presse qui analyse les données de la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels (CCIJP).

La révélation essentielle de ce document, à savoir la diminution du nombre de journalistes professionnels « encartés » en France, n’est en soi pas une surprise, le fait étant connu depuis la publication des chiffres par la CCIJP en mars 2011 [lire par exemple, cet extrait du Journaliste, le journal du SNJ, que j’ai mis en partage sur Slideshare].

Cela dit, cette baisse « historique », puisque c’est la première fois depuis qu’a  la CCIJP que le nombre de journalistes professionnels diminue, mérite de revenir en détails sur quelques points.

Premier point: si l’on regarde sur une période très longue (de 1975 à 2010), la profession de journaliste a été fortement créatrice d’emplois, comme le montre le graphique ci-dessous :

Deuxième point : si l’on regarde la tendance, sur une période plus courte —sur dix ans— le journalisme demeure un profession en croissance, mais en croissance faible. Par rapport à 2000, La France compte quelque 4 000 journalistes supplémentaires. Ce n’est pas un si mauvais résultat, si l’on considère que 33.314 journalistes étaient recensés en 2000, et qu’en 2010, la CCIJP en dénombrait donc 37.314 précisément.

Mais à l’intérieur de cette période, il faut distingue trois phases [cf. le graphique ci-dessous, où j’ai modifié l’échelle pour mieux faire ressortir les données]:

Pour quels motifs, le nombre de journalistes diminue-t-il ? L’une des premières raisons que l’on peut avancer tient au fait qu’il y a moins « d’entrants » dans la profession, comme le montre le graphique ci-dessous où j’ai repris le nombre de premières demandes de carte. Mis à part un léger sursaut en 2006-2007, la courbe est sans équivoque: au fil des ans, le nombre de premières demandes diminue constamment.

Ensuite deux questions se posent : les médias créent-ils encore des postes et la profession est-elle attirante pour un jeune ?

Sur la première question, on dispose de deux éléments de réponse.

Le premier est qu’en France les journaux « papier » demeurent le premier secteur d’emploi des journalistes, mais que la proportion est sans cesse en régression. En 1990, la presse papier représentait 75% des emplois de journalistes, en 2010, ce n’est plus que 68%. Dans le même temps, l’audiovisuel —l’autre grand secteur d’activité— a certes créé des emplois, mais insuffisamment pour servir de relais de croissance. La radio par exemple a certes créé 489 emplois, mais ces créations se sont fait sur l’ensemble de la période étudiée, à savoir de 2000 à 2010, et sur un « volume » relativement faible, puisque l’on est passé de 2.376 journalistes en 2000 à 2865 en 2010. En 2010, le « papier » employait dix fois plus de journalistes: 25.461.

Mais une autre statistique m’a semblé plus révélatrice. Elle porte sur le « pourcentage de journalistes encartés pour la première fois, par type de support en 2010 ». Elle montre l’effondrement de la presse papier, qui recrute de moins en moins de jeunes, alors que ce type de presse est le premier employeur en France.

 

source: Observatoire des métiers

La faiblesse de « l’offre » se révèle aussi par une autre statistique qui tient à l’augmentation du nombre de CDD. Alors que le nombre de pigistes est stable, peu ou prou, autour de 6000 journalistes, depuis dix ans, le nombre de CDD connaît une explosion depuis 2008. (voir ci-dessous), ne faisant que renforçant la précarité à l’entrée de la profession, car précise les auteurs du rapport :

Les CDD et les piges représentent plus de 60% des contrats proposés aux journalistes encartés de moins de 26 ans, en augmentation de 10 points par rapport à l’année précédente (ils représentaient 49,7% de cette classe d’âge en 2009)

Cette proportion reste élevée pour la classe d’âge « 26-34 ans » puisque ces types de contrats concernent près de 30% des journalistes encartés de cette classe d’âge (27,2% en 2009)

Pour être complet, il faut ajouter —c’est le corollaire— que les CDI se sont effondrés pour les jeunes de moins de 26 ans, puisqu’ils ne représentent plus que 39,9% des contrats en 2010, contre 59,8% en 2008 ! Les jeunes de la tranche d’âge « 26 à 34 ans » sont un peu mieux lotis, puisque pour eux 70,7% des contrats de travail en 2010 sont des CDI. Un chiffre qui traduit également une régression, puisque en 2008, 75,1% d’entre eux bénéficiait d’un CDI.

Pour achever de décourager, les jeunes impétrants au métier de journaliste, il reste la question des revenus. Ici, je me contenterai d’un graphique j’ai comparé la répartition des revenus entre les CDI et les précaires, sachant donc que les pigistes et les CDD, ont tendance à être plus jeunes que les journalistes en CDI.

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