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Jean Lebrun : Le journalisme en chantier, chronique d'un artisan

Pendant plus de 20 ans, Jean Lebrun a produit et animé des émissions sur France Culture, la dernière étant Travaux publics. Il vient de décider de raccrocher le micro. L’occasion pour lui de publier un court essai, Le journalisme en chantier, qui « veut témoigner d’une aventure qui va prendre les teintes du souvenir mais surtout d’un journalisme à venir, qui serait conversation ininterrompue ».

Jean Lebrun, un homme capable de faire écouter à la radio « des gouttes d’eau tomber d’un toit », a tout du nostalgique. En tout cas, il se souvient du passé et de cette époque —pas si lointaine— où le journalisme spécialisé était roi. « Peut-il y en avoir encore ? », s’interroge-t-il.
 « À quoi bon un titulaire pour une rubrique épisodique? Cela coûte aussi cher que pour le Quai d’Orsay, une ambassade au Malawi; une procédure de veille suffira. Et si, par malheur, un otage français était capturé dans on ne sait quelle zone grise, on trouvera bien sur la Toile quelqu’un qui le connaîtra encore mieux que le vieux grognard qu’il faut décidément écarter. » [Dans le même esprit, il faut lire le billet d’Alain Joannes, Un journalisme suicidaire, sur son blog Journalistiques]
Mais pour autant, la nostalgie n’éteint pas la critique. Car si les domaines que s’étaient taillés les spécialistes s’effondrent, ce n’est peut-être pas si regrettable car « ils dissimulaient bien des petitesses ». Et Jean Lebrun d’assassiner, avec le concours de François Mauriac, les critiques : « C’est à ces gens-là, qui ne sentent plus rien, qu’on demande de sentir avant les autres. »
Mais la grande affaire de ce Journalisme en chantier, c’est la convergence numérique: « L’énergie qui passe par les nouveaux moyens de communication est déjà et sera la plus forte. Le domaine qui est le nôtre, la radio, et qui croyait pouvoir rester un moment à l’abri, s’en trouve bouleversé comme les autres. » En effet, explique J. Lebrun, il est possible à n’importe quel auditeur de fabriquer et de diffuser ses programmes sons, en associant d’autres données
Mais cette convergence numérique se double d’une « convergence journalistique ». « Nous sommes entrés dans l’ère de l’ultradémocratie. Le matin, le le premier geste de la journée consiste de plus en plus souvent à allumer son ordinateur afin de vérifier ce que disent outre ses courriels, ses sources d’informations propres, préalablement sélectionnées selon ses préférences personnelles. Les hommes de radio, si fiers qu’ils soient de leurs opinions, doivent s’y résoudre: s’ils veulent continuer à les exposer, il leur faudra accepter que celles des autres valent autant (…) que sera un éditorial, une chronique, sinon un texte jamais achevé, toujours prolongé, amendé par d’autres que son premier auteur? »
L’avenir peut-être, s’est-il dessiné lorsque Travaux publics se fabriquait : d’un côté, « l’artisanat à l’ancienne : volonté farouche d’indépendance et soucis d’exactitude »; de l’autre, les amateurs, car « c’est eux qui redonneront du souffle à une profession étouffée par les corsets. » 
Pour les nostalgiques :
Jean Lebrun, son équipe et ses auditeurs au café El Sur, à Paris

 


« Le journalisme en chantier » LEBRUN ET IPATOVTSEV a El Sur
envoyé par travauxpublics

 
• Le journalisme en chantier, Chronique d’un artisan, Jean Lebrun, Bleu autour, Saint-Pourçain-sur-Sioule, 127 pages, 12 euros. 

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