[the] media trend

Dénouer l'écheveau des liens

Pourquoi met-on des liens dans les articles? Si l’on en croit Nicholas Carr, leur seul présence gêne la lecture, voir  empêche la compréhension des textes. Pire, c’est à cause d’eux que les sites perdraient ces internautes « qu’ils ont eu tant de mal à faire venir ». Perte de sens et perte de visiteurs cela fait beaucoup. Mais au fait, y-t-il des règles? Quelles sont celles qu’appliquent les sites français et étranger? Bref, la question mérite que l’on s’y arrête.

Ce post, bien que je n’y évoque pas l’importance que jouent liens dans le référencement est déjà (trop) long. J’ai donc ressuscité la vieille technique des « ancres » (en fait des liens), ce qui permet au lecteur d’aller directement à la partie du texte qui l’intéresse. Il suffit de cliquer sur les liens du sommaire ci-dessous [contrainte technique que je n’ai pas résolue, il faut d’abord cliquer sur « continued », pur que ça marche):

  1. Le constat: les liens font partie de la pratique courante des sites d’information français
  2. Ne pas faire de liens externes, une technique « très vieux jeu« 
  3. Les liens part intégrante de l’écriture
  4. Quelles règles pour les liens ?
  5. Les liens gênent-ils la lecture ?
  6. Les liens documentaires: les exemples du New York Times, de la BBC et du Huffington Post
  7. Rappel: Le web est fondé sur le lien hypertexte

1. Le constat: les liens font partie de la pratique courante des sites d’information français

En premier lieu, donc le constat. Un rapide tour de quelques sites français est révélatrice de plusieurs tendances:

Les sites français et les liens
(samedi 3 juillet 2010)

A priori, les sites français n’ont pas à rougir de leur politique de liens, si on la compare à celle de leurs confrères étrangers tels que vient de la mettre en lumière une étude de Jonathan Stray [à lire ici sur le site du Nieman Journalism Lab et dans sa traduction française sur Owni], qui a fait une étude plus systématique sur la page d’accueil de douze sites anglo saxons (BBC, CNN, Politico, Reuters, New York Times, etc.). Il en ressort que qu’en moyenne, un article contient 2,6 liens, voir en éliminant les liens renvoyant à des « topics », 1,7 liens. Il s’agit ici des liens « dans le texte ».

Le point de vue de Jonathan Stray serait donc partagé des deux côtés de l’Atlantique: « Les liens font désormais partie du travail de routine journalistique sur les principaux sites d’information ». Mais est-ce si sûr ?

2. Ne pas faire de liens externes, une technique « très vieux jeu »

Certains sites ne mettent pas de liens, d’autres appliquent ce que j’appelle la « théorie du silo », c’est-à-dire qu’ils ne font des liens que vers l’intérieur du site.

Peut-être dans certains cas est-ce du à des difficultés techniques, encore que l’argument soit de moins en moins recevable, mais admettons. En fait, il s’agit souvent d’un choix délibéré.

Par exemple sur le nouveau site de The Times [abrité désormais derrière un mur payant], il n’y a pas de lien comme l’explique Dominic Ponsford de PressGazette:

Il n’y a pas lien [dans le texte]. Aucun. Ni même vers d’autre contenu de The Times. Aussi, même si la présentation est réussie, cela rend le contenu étrangement plat [flat]. (…) Le refus de mettre des liens sur des sites externes peut sembler juste sur le plan commercial, mais une manière très vieux jeu de penser que The Times est le seul site que les internautes visitent. Ce serait un excellent service à rendre abonnés payants que de leur indiquer, de temps à autre, d’autres contenus intéressants sur le web.

3. Les liens part intégrante de l’écriture

Les liens font donc partie intégrante de l’écriture sur le web. Jeff Jarvis a théorisé l’importance des liens sur blog Buzz Machine, dans un post, publié en 2007, au titre explicite: New rule: Cover what you do best. Link to the rest [Nouvelle règle: Occupez-vous de ce que vous faites le mieux. Faites des liens pour le reste]. Mais sur l’écriture lui-même, il a expliqué son point de vue dans un autre post, publié un an plus tard en 2008, The ethic of the link layer on news [littéralement: L’éthique de la couche des liens sur l’information]. Il explique ce qu’il appelle la nouvelle règle d’or du journalisme [Golden Rule]:

Je crois qu’il sera très important pour nous de renvoyer par des liens sur nos sources et sur ce qui nous a influencé —aussi bien bien que sur des transcription et des reportages supplémentaires— pour montrer aux lecteurs par quels moyens nous avons construit notre sujet.

Cela se se traduit dans certaines rédactions par des recommandations précises aux journalistes. Par exemple, Steve Herrmann sur le blog des rédacteurs en chef de la BBC explique en quoi elles consistent pour les journalistes du site:

Il faut ajouter —même si cela devrait aller de soi— que la crédibilité du journaliste est tout autant engagée par le lien qu’il inclut dans son texte que par la qualité des informations avec lesquelles il construit son article. Un lien brisé, un lien qui renvoie sur une page d’accueil et non sur la page où se trouve précisément l’information, un lien qui ne répond pas à la « promesse » de départ », sont autant d’accrocs au contrat de lecture proposé.

4. Quelles règles pour les liens ?

Lier un article avec un autre contenu, en particulier sur un site extérieur, obéit à un certain nombre de règles, notamment d’ordre juridique. Avant d’en détailler différents aspects, il faut simplement dire que le droit —et les tribunaux qui sont chargés de son application— reconnaissent, en particulier en France, la possibilité de créer des liens.

Il existe trois grands types de protection, droits d’auteur, en France notamment, copyright en application en particulier dans les pays anglo-saxons, et de création plus récente, creative common, mais tous trois ont comme principe général de protéger les contenus d’un site assimilés à une « œuvre ». Dans ce dernier mécanisme, il existe plusieurs  types de protection [les licences creative commons mériteraient un post à elles seules, je préfère renvoyer sur le site]

a – Il existe plusieurs types de lien: liens simples, liens profonds et frame

– l’établissement d’un « lien simple », c’est-à-dire renvoyant sur la page d’accueil d’un autre site.

Dans le régime du droit d’auteur, un lien simple est « censé avoir été autorisé par tout opérateur de site web », comme l’a admis le Tribunal de Commerce de Paris, dans un arrêt datant de 2000. [Arrêt SA Cadre On Line, contre SA Keljob]. Dit autrement, il ne viole pas le droit d’auteur.

Dans les pays qui appliquent le droit du copyright, le principe de l’autorisation tacite [implied licence] s’applique, c’est-à-dire que l’on peut établir des liens, dès lors que cela point sur un site [la page d’accueil] installé sur le web. Si le contenu est protégé par un copyright [ce n’est pas toujours le cas], s’applique alors la doctrine du fair use. « Selon, cette théorie, explique Rubin Sfadj, dès lors que le visiteur du site ne suit pas un objectif commercial, qu’il est de bonne foi, et que de plus le lien effectué ne fait qu’augmenter le « marché potentiel » du site pointé, il ne peut être fait droit à une demande en réparation ».

– le framing. Avec cette technique, la page pointée par le lien s’ouvre dans le site originaire du lien. Elle s’ouvre dans un cadre [frame]. Cette technique ne me semble plus très utilisée. Elle a le défaut de laisser croire à l’internaute qu’il ne change pas de site. Il y a donc, un réel risque de parasitisme.

– les liens profonds, c’est-à-dire les liens renvoyant sur une page intérieure d’un site.

Dans le régime du droit d’auteur, la seule question juridique particulière [par rapport au « lien simple »] tient à un manque à gagner éventuel (publicités de la page d’accueil non vues, moins de clics, etc.) de la part du site vers lequel le lien pointe. Dans le régime du copyright, il en va de même.

b – Faut-il l’autorisation de la source ?

Il est souvent dit qu’un lien, en particulier un lien « profond » doit être « autorisé » par la source. Certains sites, notamment d’entreprise le prévoit: on peut lire par exemple sur le site d’Alstom  [dans la rubrique notice légale]:

« aucun lien vers les sites Web d’Alstom ne sera fait par une tierce partie sans une autorisation préalable d’Alstom sous forme écrite. »

sur celui de Engie (GDF-Suez lors de la rédaction de l’article) [rubrique mentions légales]:

« Les utilisateurs et visiteurs du site web ne peuvent pas mettre en place un hyperlien en direction du site web particuliers.engie.fr sans l’autorisation écrite, expresse et préalable de ENGIE.« .

ou sur celui de la fondation Bill et Melinda Gates [dans la rubrique terms of use]

« Vous n’êtes pas autorisé à établir un lien ou à prendre un extrait de notre site vers votre site, blog ou application semblable, sans avoir obtenu auparavant une autorisation écrite de notre part. »

On peut se demander quelle est la réelle efficacité de ce genre de disposition à l’heure du « linkage » massif avec des dispositifs comme Twitter, mais s’interroger aussi sur leur base juridique. En effet, les tribunaux ne cessent de reconnaître le droit d’établir des liens profonds. Dernier exemple en date, en France, l’affaire opposant CBS interactive et la société Ordinateur Express. Dans son jugement, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, est explicite comme le montre l’extrait ci-dessous:

la fiche litigieuse concernant le logiciel PcTap contenait en réalité un lien hypertexte dont l’adresse est “http://www.pctap.com/clownload/tapi…, qui permettait de télécharger le logiciel depuis le site de l’éditeur. Il n’y a donc pas à ce titre un quelconque acte de contrefaçon par mise sur le marché, à titre onéreux ou gratuit, du logiciel, au sens de l’article L. 122-6-3° du Code de la propriété intellectuelle.

En outre, s’agissant de faits de contrefaçon, il importe peu que le lien ne dirige pas l’internaute vers la page d’accueil du site de l’éditeur ou que l’information à ce titre n’ait pas été complète : une information n’équivalant nullement à une mise à disposition. [le jugement ici]

Le Geste (Groupement des Éditeurs de Service en Ligne) a mis au point une Charte d’édition électronique (2009). Elle prévoit explicitement:

Il est possible de créer un lien vers un site sans autorisation expresse de l’éditeur, à la seule condition que ce lien ouvre une nouvelle fenêtre du navigateur.

Elle ajoute toutefois, que pour les frames, il faut demander l’autorisation explicite aux sites… signataires de la charte. Ce sont 8 sites de presse (lemonde.fr, lefigaro.fr, etc.), ce qui en affaiblit singulièrement la portée.

c – Le site qui fait le lien est-il responsable du contenu de la page liée?

Difficile de répondre simplement à cette question. En effet, lorsqu’un auteur établit un lien, il aura vérifié le contenu du site et de la page vers lequel il point. Il aura en particulier vérifié s’il n’y a pas de contenu diffamatoire, etc. Mais sur le web, les contenus peuvent changer… pour cette raison, des sites comme celui de Libération prennent la précaution d’insérer dans leurs Conditions générale d’utilisation (CGU) la mention suivante:

Des liens hypertextes présents sur le Site peuvent renvoyer vers d’autres sites extérieurs à LIBERATION. LIBERATION dégage toute responsabilité dans le cas où le contenu de ces sites contreviendrait aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ce qui est ici accepté par le client.

le site des Échos à une mention similaire dans ses CGU du site « pour une utilisation professionnelle », à la rubrique « limitation de responsabilité »:

LES ECHOS décline toute responsabilité en ce qui concerne le contenu, le fonctionnement, les services proposés et l’accès des sites web édités par des tiers et accessibles depuis le Site par des liens hypertextes.

Mais c’est TF1 le plus complet:

e-TF1 peut proposer des liens vers d’autres sites Web ou d’autres sources d’informations gérés par des sites partenaires, ( » Services Partenaires « ). Dans la mesure notamment où e-TF1 ne peut contrôler les Services Partenaires et ces sources externes, nous vous informons que e-TF1 ne prend aucun engagement quant à la mise à disposition de ces sites et sources externes, et ne peut supporter aucune responsabilité quant au contenu, publicités, produits, services ou tout autre matériel disponible sur ou à partir de ces sites ou sources externes. Nous vous informons aussi que e-TF1 ne peut être tenu responsable de tous dommages ou pertes avérés ou allégués, consécutifs ou en relation avec l’utilisation, ou avec le fait d’avoir fait confiance au contenu, à des biens ou des services disponibles sur ces Services Partenaires ou sources externes.

Il existe deux cas particuliers:

les flux RSS. En France, les tribunaux sont explicites. Par exemple, dans un jugement rendu en 2009, pour une affaire qui opposait Olivier Dahan (le réalisateur de La Môme) à Wikio, le Tribunal de grande instance de Nanterre a indiqué que:

la société WIKIO (…) ne peut être considérée comme éditeur au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, mais comme un agrégateur de flux RSS dont la responsabilité ne peut relever que du seul régime applicable aux hébergeurs ; étant relevé que l’automaticité de la réception des flux RSS rend quasiment impossible un filtrage des contenus [le jugement sur le blog de Wikio, ici – Pdf]

Les agrégateurs. Ici, il faut suivre l’actualité de Google qui est l’entreprise la plus exposée dans ce domaine. Mais, la mise en place de modules automatiques de type Newstracker (sur le site de la BBC) expose de plus en plus d’éditeurs à des risques, en raison même de l’automaticité. En France, et c’est le sens de l’arrêt du TGI de Nanterre, l’éditeur est considéré comme un simple hébergeur.

d – Quelques aspects pratiques

En principe, un lien interne doit s’ouvrir dans la même fenêtre, et un lien externe [c’est la préconisation du Geste] s’ouvrir dans une autre fenêtre. Mais vérité de ce côté de la Manche, n’est pas vérité de l’autre côté du Channel. Par exemple les liens externes n’ouvrent pas sur une nouvelle page, car explique Steve Herrmann, le rédacteur en chef du site BBC News, l »internaute « doit pouvoir contrôler combien de fenêtres il désire ouvrir et comment il compte les utiliser. » Une préconisation qui rejoint celles liées à l’accessibilité: il est conseillé de ne pas multiplier les fenêtre ouvertes pour les mal-voyants [lire ici, les préconisations du RNIB, l’organisme britannique en charge des aveugles et mal voyants].

Il est conseillé de ne renvoyer que sur les sites dont la langue est celle du site qui établit le lien, ou en tout cas le signaler, par exemple « en anglais », « en allemand », etc.

Dans la même idée, lorsque le lien ouvre un Pdf, il est conseillé de le signaler.

Enfin, il y a le cas des sites payants (ou qui exigent une inscription) avoir d’y avoir accès. Faut-il renvoyer sur ce genre de site. Avec l’augmentation du nombre de sites qui veulent passer au payant, la question est loin d’être anecdotique. Le plus simple est là-aussi de signaler entre parenthèses que ce site est payant ou demande une inscription.

5. Les liens gênent-ils la lecture ?

Pour ce qui concerne les liens inclus dans le texte, il existe deux écoles. La première est celle des blogueurs. Elle considère que la lecture sur le web se fait en 3 dimensions. Les liens permettant d’approfondir, de vérifier la source d’une information, mais en tout cas enrichisse la lecture et ne la gêne d’aucune manière.

Mais la question se pose pour un site d’information. Il n’est pas sûr que ce « mantra », selon l’expression de Martin Belam, un journaliste britannique, s’applique. Difficile de le savoir en raison du manque d’études faites sur le sujet. Chaque site applique ses propres règles. Sur le site de BBC News, par exemple, il n’y a pas de liens dans le texte, ils sont tous placés « hors texte » car expliquait déjà en 2008 Steve Herrmann, son rédacteur en chef, « nous ne voulons pas interrompre la lecture d’un article en envoyant le lecteur hors de la page au milieu d’un phrase. »

Cette options a reçu récemment un soutien de poids. Nicholas Carr, auteur d’un article célèbre publié dans The Atlantic, « Is Google making us stupid » a récemment sonné la charge contre les liens  [lire Experiments in delinkification]. Voici ce qu’il écrit:

Les liens représentent un merveilleux confort, comme nous le savons tous (en cliquant de manière compulsive sur eux toute la journée). Mais ils sont aussi une distraction. Quelquefois, ce sont de grandes distractions —on clique sur un lien, puis sur un autre, et bientôt nous avons oublié ce qui nous avions commencé à faire ou a lire. D’autres fois ce sont de minuscules distractions, comme de petits moucherons de texte qui bourdonnent autour de votre tête. Même si vous ne cliquez pas sur le lien, vos yeux l’ont vu, et votre cortex frontal s’est enflammé pour savoir si vous deviez cliquer ou non. Vous n’avez peut-être pas remarqué la petite charge cognitive supplémentaire [que cela représente], mais elle est là, et c’est cela qui compte. Des études montrent, que les gens qui lisent en hypertexte comprennent et apprennent moins, que ceux qui ont lu le même document dans sa forme imprimée. Plus il y a de liens dans un texte, plus cela diminue la compréhension. [texte repris et commenté sur ReadWriteWeb et analysé également par Narvic sur Novövision]

Son analyse a le mérite de poser le problème de la lecture en 3 dimensions, puisque les liens ajoutent une couche d’informations sous-jacentes à un texte, et de sa délinéarisation, puisque le lecteur qui clique sur le lien va quitter le fil de la lecture. Il a aussi le mérite de souligner la « charge mentale » qu’implique la présence de liens à l’intérieur d’une texte. En effet, à chaque fois qu’un auteur place un lien, il pose un problème à son lecteur, en lui imposant le choix de continuer la lecture ou de cliquer sur le lien.

Mais on peut objecter à Nicholas Carr que sa manière de voir est par trop simpliste. La lecture est elle-même un processus cognitif complexe. Par exemple voici, comme Christian Vandendorpe, dans Du Papyrus à l’hypertexte, décrit la lecture linéaire [celle qui à la préférence de Nicholas Carr]:

Il est généralement convenu que la lecture est un processus linéaire et que le lecteur prélève des indices sur la page au fur et à mesure qu’il avance en suivant le fil du texte ligne après ligne (…) chaque nouvelle phrase lue servant à la compréhension de celle qui suit, le lecteur n’a qu’à se laisser emporter par le fil du texte pour produire du sens. (1)

Mais tout ceci n’est qu’une apparence. Les romans sont en fait des hypertextes avant la lettre. Il écrit:

« Proust concevait son œuvre comme une cathédrale , soit un espace à trois dimensions où tous les éléments sont organiquement reliés et se répondent dans des symbolismes complexes. Fondamentalement, tout écrivain vise à créer dans l’esprit du lecteur un réseau —hypertextuel avant la lettre— où se répondent des dizaines,voire des milliers d’éléments. »(2)

Sans doute peut-on objecter qu’un article —même long— n’est pas un roman, mais pourquoi faudrait-il se priver d’une lecture en « trois dimensions » ?

6. Les liens documentaires: les exemples du New York Times, de la BBC et du Huffington Post

Le linkage, se résume pas à inclure des liens dans un texte. Les principaux sites installent aussi des liens « en dehors » des textes, dans des « boîtes » qui accompagnent le texte, soit sur le côté, soit en-dessous. Ces liens documentaires sont aussi des liens de « navigation », puisqu’ils permettent à l’internaute, à partir d’un article/contenu de lire et consulter d’autres articles/contenus qui lui permettent d’approfondir et de contextualiser un sujet.

Le New York Times: Le site, une ressource documentaire interne

Sur le site du New York Times, tous les liens « hors texte » renvoie sur l’intérieur du site. En France, lemonde.fr applique exactement le même modèle, à cette différence près qu’il existe dans sur le site du Monde une zone payante (réservée aux abonnés) ce qui n’est pas encore le cas pour le NYT. Cette politique de liens « en silo » présente quelques caractéristiques intéressantes:

le renvoi sur des blogs spécialisés du site; pour le NYT le contenu des blogs [des blogs du NYT, s’entend] est donc placé au même niveau que les articles du site.

les éléments multimédias ne sont accessibles —et ce, systématiquement— que par des liens. Un choix, qui illustrent le fait que pour NYT, l’information c’est d’abord et en priorité un média: le texte. Dit autrement, c’est le texte qui fait le fond du site.

le système d’alertes par email sur des sujets connexes est un moyen de prolonger le contrat de lecture avec l’internaute

le NYT adore les gadgets, et l’ouverture de la fenêtre de lien en bas de la page à gauche, lorsque l’on scrolle sur la fin de l’article est une technique intéressante, pour là-aussi offrir à l’internaute un manière de continuer sa lecture… sur le site du NYT.

La BBC : une culture du lien externe

La BBC a mis en place un systême extrêmement sophistiqué pour ses liens « hors texte » [voir détail ci-dessous], avec en particulier l’usage d’un module baptisé The Newstracker qui agrège automatiquement les liens extérieurs au site à partir de 4000 sources anglophones, en les réactualisant en permanence, en suivant le principe suivant:

Les sites de la BBC qui couvrent un sujet controversé ou politique offrent des liens avec des sites extérieurs qui pris dans leur ensemble, représentent une un éventail de point de vue sur le sujet.

Cette politique de liens vers des sites externes est d’autant plus importante que la BBC est particulièrement prescriptrice: le site BBC News envoie, à lui seul, deux millions de visiteurs uniques sur les autres sites de presse, et les autres sites de la BBC 100.000 (données avril 2010). Ce chiffre devraitdoubler dans les années à venir pour atteindre 4 millions de visisteurs uniques par mois d’ici 2012 [plus que Yahoo! actuellement] dans les années à venir, car:

« La BBC Online doit se transformer en une fenêtre sur le web  d’ici 2012, avec un lien externe sur chaque page, et doit doubler son taux actuel de clics vers des liens externes. » [plus de détails sur PaidContent]

Le Huffington Post ouvre à tout va

Le Huffington Post réinvente le journalisme. Ce qui n’était qu’un blog politique, il y a encore 5 ans, est devenu un site qui talonne en nombre de visisteurs unique celui du New York Times. Le site est construit autour d’une rédaction réduite, une cinquantaine de journalistes, des milliers de blogueurs, une communauté très active, et une politique de liens vers l’extérieur systématique.

Le site applique la logique du hub, à savoir qu’un internaute vient sur le site pour pouvoir repartir, vers d’autres sites, comme un passager d’Air France arrive sur le hub de la compagnie, pour pouvoir repartir vers d’autres destinations.

Mais l’innovation du Huffignton Post, par rapport à un site américain qui n’est qu’un aggrégateur de liens, le Drudge Report, est d’avoir intégré dans ses pages un moteur de recherche d’information « instantanée », Twitter, sachant que les tweets contiennent des liens, et un autre moteur de recherche, Bing de Microsoft, en détaillant les résultats par média (image, vidéo, et plus classiquemnet, web).

7. Rappel: Le web est fondé sur le lien hypertexte

Sans les liens hypertextes, le web n’existerait pas. En effet, le projet de WorldWideWeb que déposent Tim Berners-Lee et Robert Cailliau le 12 novembre 1990, est un projet qui repose sur… l’hypertexte, c’est-à-dire sur la possibilité de relier un document à un autre. Dans la foulée, Berners-Lee va développer ce qui vont devenir les fondements de cette « couche » d’Internet que l’on appelle le web. Ces trois éléments sont aujourd’hui entré pratiquement dans le langage courant, ce sont:

Notes

  1. Du Papyrus à l’hypertexte, de Christian Vandendorpe, Ed. La Découverte, Paris, 1999, p. 41.
  2. ibid, pp. 47-48
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