[the] media trend

Mobiles : Le choix des apps

Best of Mobile, tel était l’intitulé de l’événement organisé, le jeudi 5 avril 2012, par Valtech, une société spécialisée —entre autres— dans le développement d’applications mobilesLe sujet m’intéressant en raison du basculement irrésistible de la consommation d’information vers les appareils de mobilité —smartphones,  tablettes et autres liseuses,  je me suis donc rendu à cette invitation. L’occasion de regarder plus précisément cet univers foisonnant qu’est celui des applications, qu’elles soient « natives » « Web », et la manière dont les médias peuvent se les approprier.

Sur un mobile ou une tablette, il est possible de toucher l’utilisateur de trois manières distinctes :

  1. un site optimisé pour le mobile, sachant en particulier pour les smartphones, que la taille réduite de l’écran nécessite de tenir compte de ses contraintes.
  2. une application disponible soit sur iTunes, pour les iPhone et iPad, soit sur Google Play (ou Market) pour Androïd. À noter qu’il ne sera pas question de Windows Phone et de Rim lors de cette matinée.
  3. une web application qui offre, pour reprendre le jargon employé au cours de cette matinée, une « expérience utilisateur » similaire à celle d’une « app native » [comprendre disponible sur iTunes, pour l’iPhone ou l’iPad]. Cette web app ne doit pas être confondue avec un site optimisé.

1. Les sites optimisés

Tout commence par là : offrir aux internautes une version optimisée de son site, facilitant la lecture sur un écran de smartphone, semble être un minimum. Elle permet en particulier un affichage plus clair et une navigation plus aisée pour les mobinautes. À ma grande surprise, l’ensemble des sites médias français ne sont pas encore optimisés « mobile », comme l’illustre les quelques exemples ci-dessous, qui comprennent des sites optimisés [rangée du haut] et des sites non optimisés [rangée du bas].

Dans la rangée du haut les sites sont optimisés; ils ne le sont pas dans celle du bas. Capture d'écran, à partir d'un iPhone, le matin du dimanche 8 avril 2012

Cette optimisation touche d’autres domaines, comme la migration vers le Mepg 4 pour les vidéos, afin de les rendre compatibles avec le HTML 5 et donc d’en rendre la lecture possible sur les smartphones et autres tablettes qui n’acceptent pas le flash.

2. App ou Web-app ?

L’optimisation du site a toutefois ses limites, en particulier parce qu’elle ne permet pas d’utiliser pleinement les fonctionnalités qu’offrent les appareils de mobilité. Se pose alors la question de développer une application mobile « native » ou une « web application« . Cette dernière exige certes de passer par un navigateur [essentiellement Safari pour les iPod, iPhone et iPad, et Chrome pour les Androïd], mais elle offre une expérience-utilisateur pratiquement similaire aux apps natives et ce grâce au HTML5.

La question du choix se pose pour tous les acteurs qui veulent être présents sur les smartphones et les tablettes, la question étant de savoir quelle est la solution optimum. Dans l’univers des médias anglo saxons, la tendance récente serait au développement de web applications.

La web application du Financial Times connaît un succès retentissant. Lancée en juin 2011, elle a tout de suite capté un large public. Selon le FT, à la mi-novembre 2011, elle avait été téléchargée un million de fois, et avait boosté le trafic smartphones et tablettes. À cette date, elle représentait 20% du nombre de pages vues. Tout aussi intéressant, 15% des nouveaux abonnés au FT le faisaient directement à travers leur mobile [lire le communiqué du FT ici].

L’expérience du FT est d’autant plus intéressante, qu’elle lui permet d’éviter [à l’inverse du système des apps natives] de nouer un lien direct avec ses lecteurs et abonnés et de ne pas passer  le système opaque et coûteux de l’Appstore ou du Google Market [ou Google Play]. D’ailleurs ce journal envisage de continuer et d’approfondir l’expérience puisqu’il a racheté la petite start-up, Assanka, avec laquelle il avait développé son application.

Le Times du groupe News Corp lui a emboîté le pas en ce début d’année 2012, en proposant à son tour une web app, en version beta pour l’instant, et destinée aux tablettes. Il s’agit de combiner la lecture « newspaper-like » [« comme le journal« ] avec « l’interactivité que permet l’internet ».

Capture d'écran de la version démo de la web app du Times

3. Les critères du choix entre App et Web-app

Pour l’instant, si la plupart des médias ont développé des applications natives [essentiellement pour iOS et Androïd], peu se sont lancés dans l’aventure d’une Web-app [à vrai dire, je n’ai trouvé aucun média en ayant développé une en France; s’il en existe n’hésitez à me l’indiquer, je me ferai un plaisir de corriger].

En fait, le choix est difficile entre ces deux options et c’est tout l’intérêt de la démonstration de Yohan Founs, directeur Mobilité et Rich Media, et de Xavier Paradon, directeur technique, chez Valtech, que d’offrir une sorte de grille d’aide à la décision, qu’ils présentaient ce jeudi 5 avril. Pour cela, ils s’appuient sur dix critères, à l’intérieur desquels ils analysent les points forts et les points faibles de chacun des types d’application:

Audience. Pour l’instant l’avantage est encore aux apps natives, ne serait-ce que parce le mobinaute a d’abord le réflexe de télécharger et d’utiliser celles-ci. Par ailleurs, sur les smartphones, les utilisateurs utilisent peu les moteurs de recherche, mais cela est moins vrai pour les tablettes.

Visibilité. Pour le moment, sur ce point l’avantage est aux apps natives, tant les stores [iTunes et Google Market/play] sont bien organisés et permettent de trouver facilement l’app que l’on cherche soit par le nom, soit par la thématique; en outre, les moteurs de recherche, en particulier Google, référencent bien les apps.

Expérience utilisateur. L’avantage est pour le moment aux apps natives, car celles-ci ont accès aux capteurs [appareil photo et vidéo…] et aux applications préinstallées [galeries photos…], elles permettent de faire du push, et fonctionnent en tâche de fond. Bref, tout ce qui est Réalité augmentée, 3D… paraît pour l’instant réservé aux apps natives. Avec les web apps il est certes possible de faire de la géolocalisation, mais elles n’ont pas accès au système de notification du smartphone. On pourrait ajouter que la gestion du son avec le HTML5 n’est pas encore tout à fait au point.

Performances. Au niveau des performances pour l’instant les apps natives fonctionnent mieux. Elles sont plus fluides [pour le streaming, par exemple], car elles n’utilisent pas de sous-couche navigateur, et surtout elles « planteraient » moins. Un des principaux problèmes auquel est confronté les utilisateurs tient à l’utilisation off line des applications. Le cas de figure est très fréquent en situation de mobilité, où l’on risque sans cesse de perdre le réseau ou la Wi-Fi. Sur ce point, le HTML5 a fait d’énormes progrès, mais l’avantage reste encore aux apps natives.

Contenus. Avec un travail d’optimisation, les deux propositions peuvent être considérées comme étant à égalité, avec ce bémol que le HTML5,  n’a pas pour l’instant de support pour les DRM.

Multi-systèmes. Il n’y a pas photo! L’avantage —écrasant— est aux Web-apps, puisqu’avec le HTML5, il est possible de faire une application qui fonctionne sur tous les appareils mobiles, qu’ils tournent sous iOS ou sous Androïd. À l’inverse, ce que l’on peut développer sur iOS et Androïd, ce sont des réflexes communs d’ergonomie. C’est peu.

Multi-écrans. Les types d’écrans se sont multipliés que ce soit soit en terme de taille que de résolution. L’avantage est ici aux Web-apps, pour lesquelles le travail de développement sera moindre que les natives, pour lesquelles —sur iOS— on peut certes « partager le code », mais qui nécessite de créer deux interfaces graphiques.

Coût. Pas de miracle. Le développement d’apps natives, comme de Web-apps a un coût.  S’il est vrai qu’il est possible d’être plus productif pour développer une app native, ne serait-ce qu’en raison de la richesse en composants des kits de développement (SDK), il n’en reste pas moins qu’il faut faire deux développements [iOS et Androïd] au lieu d’un seul pour une Web-app. Dans les deux cas, il faudra réaliser de nombreux tests, qui peuvent difficilement être automatisés, et qui donc sont coûteux à mettre en œuvre.

Déploiement-distribution. L’avantage est très clairement aux Web-apps, pour une raison simple: l’environnement est connu et maîtrisé, et l’éditeur est maître des délais. Il n’en va pas de même pour les apps natives qui obligent à passer par un app-store, ce qui introduit deux inconnues :

Mises à jour. Ici aussi les Web-apps bénéficient d’avantages très nets, car il est possible de les réactualiser librement tant en terme de contenus que sur le plan fonctionnel, alors qu’une mise à jour sur les app-stores exigent un redéploiement, et donc une réapprobation, etc.

Au terme de ce parcours, difficile de préférer un système à un autre. Tout dépend des objectifs que l’on s’assigne: veut-on réactualiser fréquemment son application, en conserver le contrôle et la maîtrise de son déploiement, la rendre opérationnelle rapidement sur plusieurs types d’écrans et plusieurs systèmes d’exploitation? La solution sera plutôt la Web-app. S’agit-il, à l’inverse, d’utiliser au maximum les potentialités des appareils et l’intégration qu’ils permettent? Alors, il faudra préférer les apps natives. Bref, le choix d’un système ou d’un autre reposent sur un faisceau de facteurs qui n’est ici qu’esquissé, sachant que pour des raisons de coût de développement et de maintenance, il semble irréaliste de développer en parallèle les deux systèmes. En revanche, et c’est l’approche de Facebook, il semble possible de développer des « hybrides », qui combineraient le meilleur des deux systèmes [plus de détails ici].

Pour aller plus loin

 

Quitter la version mobile