L’expérimentation menée par le seattletimes.com avec Google Wave, à l’occasion de l’enquête sur le meurtre de 4 policiers est-elle encore du journalisme? Le résultat est, selon le point de vue, prometteur ou absolument terrifiant. Voilà l’histoire.
Tout commence, le dimanche matin (29 novembre 2009), par le meurtre de 4 policiers. Cela se passe à Seattle, aux États-Unis. Immédiatement (nous sommes aux États-Unis), le site du Seattle Times passe en mode « live updating », c’est-à-dire qu’il rafraîchit constamment sa page d’accueil, ainsi que sur son fil Twitter @seattletimes (ci-dessous les premiers tweets sur l’affaire).
Mais très vite, raconte Cory Tolbert Halk dans un article [@seattletimes and the social media Wave during Lakewook cop shooting] retraçant l’historique de ce fait divers et la manière dont le le site l’a traité, « à mesure que nous passions de l’information sur ces horribles meurtres à la traque du suspect, l’utilisation des réseaux sociaux [en fait, la journaliste parle de « social stream »] est devenue encore plus nécessaire pour aider les lecteurs à suivre les derniers développements ».
Un record de fréquentation pour le site
Le site y est d’autant plus encouragé qu’il va atteindre, le lundi, jour qui suit le meurtre, un record de fréquentation avec 3,3 millions de pages vues dans la journée, et les tweets constitueront l’un des éléments du site les plus lus [pour plus de détails lire Editor & Publisher, ici]. Il est vrai que le site a mis les moyens: pas moins de 10 journalistes twitteront ce jour-là sur ce seul sujet, et le fil Twitter a été placé en tête de la page d’accueil… Le résultat est impressionnant si l’on suit par exemple sur Trendistic, la courbe de #WAshooting, l’un des hashtags mis en place pour cette affaire.
500 internautes connectés simultanément à Wave
C’est alors qu’entre en jeu Google Wave, décrit —par Google—, comme « un outil en ligne de travail collaboratif ». Bien qu’il ne soit encore qu’en version beta, le Seattle Times a décidé de s’engager dans une expérimentation de journalisme participatif avec lui.
Donc, la rédaction a créé un Wave et a incité ses lecteurs à y participer via Twitter.Ils seront, par moment, jusqu’à 500 à participer à l’aventure, simultanément.
Wave s’est révélé très souple et efficace puisqu’il a permis d’agréger « des liens avec les « scanners audio » de la police, des vidéos, des informations sur les routes bouclées, les écoles fermées, les informations sur le suspect, etc. » Une carte, remise à jour en permanence par les internautes participants était également incluse dans l’outil.
En fait, explique Cory Tolbert Halk, « c’est comme si nous utilisions Twitter, mais avec des réponses en temps réel et du contenu enrichi [rich content] ».
Cette expérimentation pose toutefois une série de problèmes:
• la nécessité d’une médiation (ou d’une modération, comme l’on voudra). Pris par les problèmes techniques [Google Wave n’est pas tout a fait au point et a bogué plusieurs fois], l’équipe en a oublié qu’une modération pouvait être nécessaire sur un sujet aussi chaud.
• le fait que toutes les informations soient mêlées et publiées en direct (infos brutes, comme les écoutes des scanners de la polices, informations non vérifiées, informations vérifiées par la rédaction, commentaires…) peut conduire à des dérives graves. Peut-on donner ainsi toutes les informations en direct et sans filtre?
• Le sujet. Certes, il s’agissait des suites d’une affaire du meurtre de ces 4 policiers, et donc de la recherche de leur meurtrier. Dit autrement, il s’agissait d’une chasse à l’homme. Est-ce le rôle des médias de participer à ce genre d’aventure et d’y engager leurs lecteurs?
Pour avoir une idée du résultat, le Seattle Times a réalisé un pdf, [les liens du document fonctionnent] que je mets en partage: